Dans cette décision prise dans le cadre d’une procédure d’urgence, l'ACNC s’est déclarée compétente pour examiner des pratiques mises en œuvre par l’OPT qui seraient, selon la SCCI, anticoncurrentielles et destinées à l’évincer du marché de la fourniture de services de capacités de connectivité internationale en l’empêchant d’installer son propre câble sous-marin entre la Nouvelle-Calédonie et Sydney.
Suivant la jurisprudence du tribunal administratif, l’Autorité considère qu’il faut interpréter strictement les droits exclusifs conférés à l’OPT par la réglementation en vigueur étant donné l’atteinte qu’elle porte à la liberté d’entreprendre et à la concurrence.
En l'espèce, l’Autorité constate que les dispositions du code des postes et télécommunications relatives au monopole réglementaire de l’OPT ne couvrent pas expressément l’accès au réseau de télécommunications à haut débit par l’intermédiaire d’un câble sous-marin. De plus, il n’est pas démontré que l’arrivée d’un opérateur privé concurrent sur ce marché, comme la SCCI, soit de nature à remettre en cause l’équilibre financier de l’OPT ni sa capacité à assumer ses différentes missions de service public. En effet, les recettes issues de l’utilisation du câble sous-marin de l’OPT représentent moins de 4 % de son chiffre d’affaires total. L’Autorité en déduit que le marché concerné doit être considéré comme un marché ouvert à la concurrence sur lequel l’OPT est en situation de monopole de fait.
Elle constate d’ailleurs que le gouvernement avait été alerté, depuis septembre 2018, sur la « fragilité juridique » du monopole réglementaire de l’OPT par des cabinets d’experts mandatés pour préparer la « Stratégie Télécom de la Nouvelle-Calédonie ».
Sur le fond, à ce stade de l’instruction, il apparaît tout d’abord que le refus de l’OPT de répondre à la demande d’interconnexion de la SCCI sur le réseau de télécommunications local est susceptible de constituer une pratique d’abus de position dominante de l’OPT.
De même, l’Autorité considère que la nouvelle offre tarifaire de l’OPT en vigueur depuis le 1er mars 2020 est également susceptible de caractériser une vente liée et une stratégie tarifaire d’éviction anticoncurrentielle. En effet, cette offre impose aux clients de l’OPT d’acheter l’accès au réseau international (par le câble de l’OPT) en même temps que l’accès au réseau local (dont l’OPT a le monopole) tout en abaissant globalement le tarif de 40 % pour les fournisseurs d’accès à internet. Dans la mesure où cette baisse tarifaire est exclusivement portée par une baisse du tarif d’accès au réseau international (-77 %) et compensée par une hausse du tarif d’accès au réseau local (+18 %), il n’est pas exclu qu’elle puisse également caractériser une pratique de subvention croisée anticoncurrentielle.
En revanche, l’Autorité rejette le moyen selon lequel la nouvelle offre de l’OPT caractériserait une pratique de prix prédateurs en raison de l’insuffisance d’éléments probants apportés par la SCCI au regard des critères fixés par la jurisprudence.
Dans le cadre de l’examen de la demande de mesures conservatoires, objet de la présente décision, l’Autorité constate l’existence d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la SCCI. En effet, celle-ci pourrait être exclue du marché et disparaître avant le terme de la procédure en raison du refus de l’OPT de lui proposer une offre commerciale d’interconnexion sur le réseau local des télécommunications.
L’Autorité constate enfin que les pratiques dénoncées causent une atteinte grave aux intérêts des entreprises du secteur et, in fine, aux consommateurs dans la mesure où les fournisseurs d’accès à internet ne seront pas en mesure de faire jouer la concurrence entre plusieurs opérateurs sur le marché pour proposer aux consommateurs des baisses tarifaires et/ou une amélioration sensible de la qualité de service offert si la SCCI ne peut entrer sur le marché ou s’ils sont contraints par une vente liée de l'OPT après la mise en service du câble sous-marin de la SCCI.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’Autorité « enjoint à l’OPT-NC de proposer à la SCCI, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d’accès au réseau fédérateur local pour la fourniture de services de capacités de connectivité internationale à haut débit par câble sous-marin, à des conditions objectives et non discriminatoires et orientée vers les coûts, pour lui permettre l’exercice d’une concurrence effective sur ce marché ».
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