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COVID-19 : L’Autorité indique sous quelles conditions une coopération entre concurrents peut être tolérée en période de crise sanitaire

Couture

L’Autorité a été sollicitée fin juin par la Direction des achats, du patrimoine et des moyens (DAPM) au sujet de la coopération entre des entreprises calédoniennes pour la fabrication de masques en tissu en pleine pandémie du COVID-19 pour les services du Gouvernement.

La réponse du service d’instruction de l’Autorité, ayant l’initiative des enquêtes, tient compte du contexte spécifique de la crise sanitaire en Nouvelle-Calédonie et apporte ici son éclairage au travers d’une « note sur la compatibilité du droit de la concurrence avec la coopération mise en œuvre dans l’industrie textile ».

En l’occurrence, le Gouvernement avait missionné la DAPM pour la production locale 20 000 masques en tissu AFNOR à usage non-sanitaire dans un délai très contraint, l’approvisionnement extérieur étant compromis et le port du masque obligatoire étant à l’étude. Les différents échanges conduits par la DAPM avec la FINC, les chambres consulaires et les entreprises susceptibles de répondre à la demande avaient pour objet de définir un référentiel local et de connaître les processus de fabrication, mais aussi d’apprécier un prix raisonnable pour l’appel d’offres. Ces échanges ont abouti à un « appel public à la concurrence » le 14 avril, auquel deux industriels ont répondu de façon coinjointe car ils n’étaient pas en capacité de répondre individuellement au besoin exprimé. Par ce biais, les premiers masques ont pu être livrés le 20 avril.

L’Autorité, consciente que les crises peuvent être propices aux comportements anti-concurrentiels, a donc été vigilante sur ce point en examinant la sollicitation de la DPAM.  Dans le même temps, elle admet qu’il « peut être utile, dans un souci d’efficacité et de réactivité, que (l)es entreprises, fussent-elles concurrentes, puissent coordonner leurs actions » pour répondre à un enjeu de santé publique en période de crise. Ainsi, elle estime, compte tenu des éléments communiqués, de l’urgence de la situation et de son caractère temporaire, que « la coopération mise en œuvre par la DAPM (…) durant la période de crise sanitaire (…) n’est pas problématique au regard du droit de la concurrence applicable en Nouvelle-Calédonie ».

La position de l’Autorité est en ligne avec celles de nombreuses autres autorités de la concurrence dans le monde. Elle s’est d’ailleurs appuyée sur la communication de la Commission européenne du 8 avril 2020 qui encadre spécifiquement les mécanismes de coopération entre les entreprises pendant la pandémie de COVID-19 pour apprécier la démarche de la DAPM. L’Autorité a considéré que la coopération initiée par la DAPM répondait manifestement à « un objectif de santé ou de sécurité publique », apportait « un bénéfice aux usagers » et comportait « des restrictions à la concurrence (…) proportionnées à l’objectif à atteindre ». Il ressort en effet des éléments communiqués que l’ensemble des opérateurs à même de contribuer à la production des masques a été convié à participer aux discussions, disposant ainsi du même niveau d’information et que les échanges sur les prix n’ont concerné que les « prix potentiels » d’un bien non-encore commercialisé.

La demande de la DAPM, qui intervient de façon non-conventionnelle pour ce type de pratique a posteriori, est par ailleurs l’occasion pour l’Autorité de rappeler que la souplesse d’appréciation en période de crise est pleinement relative. Elle souligne donc que la collecte d’information doit se faire de façon individuelle et non dans une enceinte collective. Elle interpelle en outre sur la vigilance et la responsabilité quant à l’action des organisations professionnelles.

Enfin, l’Autorité rappelle que la tolérance pour ce type de coopération, même légitime, doit être strictement « limitée dans le temps et à tout ce qui est nécessaire. » Plus particulièrement, dans la mesure où la production de masques en tissu AFNOR est désormais normée en Nouvelle-Calédonie, la coopération initiée au mois d’avril 2020 ne serait plus justifiée à l’avenir.