Les pratiques susceptibles d'être sanctionnées par l'ACNC
L'ACNC a pour mission de veiller au respect des règles de concurrence prévues au Titre II du Livre IV du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie. Dans le cadre de sa mission de régulation de l’économie, l'ACNC recherche les pratiques anticoncurrentielles (PAC) qui permettent à leurs auteurs de retirer un profit illicite au détriment des autres entreprises (clientes ou fournisseurs), des consommateurs et de l’économie en général.
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Les différentes pratiques anticoncurrentielles
Est anticoncurrentielle une pratique qui fait obstacle au fonctionnement concurrentiel du marché. En effet, sauf dispositions spécifiques, les prix des biens, produits et services marchands sont librement déterminés par le jeu de la concurrence (article Lp.410-2).
Il peut s’agir d’ententes (article Lp. 421-1), d’abus de position dominante (article Lp. 421-2), de l’exploitation abusive de l’état de dépendance économique d’un partenaire commercial (article Lp. 421-2), ou de droits exclusifs d’importation (article Lp. 421-2-1).
- Une entente est caractérisée par une concertation entre plusieurs acteurs économiques indépendants qui décident de coordonner leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante, comme l'exige la loi. De telles ententes sont prohibées lorsqu'elles empêchent, restreignent ou faussent le jeu de la concurrence sur un marché : entrave à l'entrée des concurrents sur un marché, échanges d'informations sur les prix, répartitions de marchés,...) ;
- Contrairement aux ententes, qui sont des pratiques bilatérales ou multilatérales, les abus de position dominante sont en général des pratiques unilatérales émanant d'un acteur économique qui use de sa position de force sur un marché pour évincer ses concurrents ou pour empêcher l'arrivée de nouveaux entrants. Les abus de position dominante peuvent prendre différentes formes : prix prédateurs, remises liées, refus de vente, clauses d'exclusivité, etc.
- Le code de commerce prohibe au même titre que l’abus de position dominante, l’exploitation abusive par une entreprise de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur ne disposant pas de solution équivalente.
- Comme dans l’ensemble des départements, régions et collectivités d'outre-mer, les accords ou pratiques ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises sont prohibés en Nouvelle-Calédonie (article Lp. 421-2-1), sauf si leurs auteurs peuvent justifier qu’ils sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qui réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte (article Lp.421-4-IV).
Pour rappel, la loi du pays n°2013-8 du 24 octobre 2013 a inséré l'article 69-1 à la délibération n°14 du 6 octobre 2004 portant réglementation économique. Cet article prévoyait qu'à compter de la publication de cette loi du pays les parties à ces accords ou pratiques disposaient d'un délai de quatre mois pour se mettre en conformité en supprimant les droits exclusifs d'importation de leurs accords.
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La notification de griefs
La notification de griefs est établie par le service d’instruction de l’ACNC, représenté par le rapporteur général, lorsque l’enquête a permis d’avoir suffisamment d’éléments susceptibles de caractériser une atteinte à la concurrence.
Elle est adressée aux parties intéressées ainsi qu’au commissaire du gouvernement dans les conditions prévues à l’article Lp. 463-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie.
La notification de griefs établit les faits, les qualifie juridiquement au regard des articles du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie et récapitule les griefs retenus par le service d’instruction.
La réception de la notification de griefs est le début du débat contradictoire : elle ouvre une période de deux mois pendant laquelle les parties intéressées peuvent consulter le dossier et présenter des observations.
La procédure dite « normale » comporte deux tours de contradictoire : le service d’instruction répond alors aux observations des parties intéressées dans un rapport, notifié aux parties intéressées et au commissaire du gouvernement. Les parties ont à nouveau un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse.
La procédure dite « simplifiée » comporte un seul tour de contradictoire. Le rapporteur général peut décider de faire application de cette procédure prévue à l’article Lp. 463-3 du code de commerce. Dans ce cas, l’affaire est examinée par l’ACNC après l’expiration du premier délai de deux mois suivant la notification de griefs et sans établissement d’un rapport. La procédure simplifiée implique également que la sanction pécuniaire susceptible d’être infligée par l’ACNC ne peut excéder 89 550 500 F. CFP pour chacun des auteurs de pratiques prohibées, conformément aux dispositions de l’article Lp. 464-5 du code de commerce.
Lorsque les entreprises mises en cause entendent ne pas contester la réalité des griefs notifiés, elles peuvent demander au rapporteur général le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs. Au travers de cette procédure, prévue au III de l’article Lp. 464-2 du code de commerce, les entreprises mises en cause renoncent de façon expresse, complète et dépourvue d’ambiguïté, à contester la réalité des pratiques en cause, la qualification juridique retenue par le service d’instruction, leur imputabilité, la régularité de la procédure et la validité de l’ensemble des griefs. L’affaire est alors examinée sans établissement préalable d’un rapport et le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié.
Les entreprises mises en cause ont également la possibilité de présenter des engagements pouvant conduire le rapporteur général à proposer à l’ACNC d’en tenir compte dans la fixation du montant de la sanction.
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Les sanctions
Après enquête des services compétents, l'ACNC peut infliger à l’encontre des auteurs (personnes morales) de pratiques d’ententes, d’abus de position dominante ou de dépendance économique ainsi qu’aux contractants d’accord de droits exclusifs d’importation, le paiement d’une amende. Celles-ci sont déterminées conformément à l'article Lp.464-2 du code de commerce.
En outre, tout engagement ou clause contractuelle instaurant une entente, un abus de position dominante ou dépendance économique et des droits exclusifs d’importation est déclaré nul (article Lp. 421-3).
Types de sanctions susceptibles d'être encourues : Articles du code de commerce Pratiques sanctionnées Sanctions Lp. 464-2 (I) Mise en œuvre d’une PAC Amende administrative :
Personne physique : 175 millions F CFP
Personne morale : 5% du CA mondial le plus élevé
Lp. 464-3
Non-respect de mesures, injonctions ou engagements dans le cadre de MC ou d’une procédure pour PAC Amende administrative :
Personne physique : 175 millions F CFP
Personne morale : 5% du CA mondial le plus élevé
Lp. 464-5 Mise en œuvre d’une PAC dans une procédure simplifiée Amende administrative : 89 550 000 F CFP
Lp. 464-2 (II)
Pour imposer l’exécution d’une décision en matière de PAC ou de MC Astreinte :
5% CA mondial hors taxe journalier moyen / jour de retard à compter de la date fixée
Lp. 464-2 (V)
Non réponse ou réponse hors délai à une convocation ou une demande de renseignements -
Injonction simple
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Injonction + astreinte 5% CA mondial hors taxe journalier moyen
Lp. 464-2 (V)
Obstruction à l’instruction
Amende administrative :
1 % CA mondial hors taxe le plus élevé
Dans tous les cas sanction de publication ou de diffusion de la décision De plus, toute personne prenant part personnellement à de telles pratiques encourt une amende de 8 500 000 F.CFP (article Lp. 471-7). Cette peine d'amende peut sur décision du tribunal, être rendue publique.
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Le secret des affaires
La protection du patrimoine économique, technologique et informationnel des entreprises représente un enjeu de grande importance, notamment lorsque les savoir-faire et informations commerciales dont les entreprises entendent préserver la confidentialité constituent pour elles un outil de compétitivité.
En métropole, la notion de secret des affaires est définie par la loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires. L’article 1 de la loi précise que toute information relève du secret des affaires dès lors que :
« 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »
Sont ainsi généralement considérées comme des informations relevant du secret des affaires les informations commerciales, stratégiques ou de savoir-faire sensibles telles que certaines informations tenant à la rentabilité de l’entreprise, à la clientèle, à ses pratiques commerciales, à la structure de ses coûts, à ses prix, à ses secrets et procédés de fabrication et de distribution et à ses sources d’approvisionnement. En revanche, les informations rendues publiques, telles que le chiffre d’affaires, ne peuvent en aucun cas être considérées comme relevant du secret des affaires.
Dans le cadre des procédures contentieuses, il convient d’évaluer le juste équilibre entre le droit à la protection du secret des affaires et le droit à une procédure contradictoire. Aux termes de l’article Lp. 463-4 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, cette appréciation revient au rapporteur général de l’Autorité :
« Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause, le rapporteur général de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles. »
La décision du rapporteur général se fonde donc sur les caractéristiques du cas d’espèce et l’évaluation de la nécessité pour les parties d’avoir accès à certaines informations pour défendre leur cause.
Toute décision du rapporteur général relative au secret des affaires est susceptible de recours devant les juridictions compétentes :
Décision accordant la protection du secret ou refusant la levée du secret
Cour d’appel de Paris
Décision refusant la protection du secret ou acceptant la levée du secret
Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie
En tout état de cause, il revient aux parties de faire valoir leur demande de secret des affaires auprès du rapporteur général de l’Autorité, selon la procédure définie par le communiqué n°2019-01 relatif à la protection du secret des affaires devant l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie.
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Les voies de recours contre les décisions de l'ACNC
Conformément à l’ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à la Nouvelle-Calédonie de dispositions du livre IV du code de commerce relevant de la compétence de l'Etat en matière de pouvoirs d'enquête, de voies de recours, de sanctions et d'infractions, les décisions de l'ACNC relative aux pratiques anticoncurrentielles citées ci-dessus peuvent faire l’objet d’un recours en appel devant la Cour d’appel de Paris – 10 Boulevard du Palais, 75001 Paris– dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision, pour les parties et le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Ce délai est augmenté d'un délai de distance d'un mois pour les entreprises ayant leur siège en Nouvelle-Calédonie.
Le pourvoi en cassation pourra être porté devant la Cour de Cassation dans un délai d’un mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.