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Avis sur la demande de mesures de régulation de marché tarifaire présentée par la société ESQ dans le secteur des tubes et tuyaux (n° 2022-A-02 du 12 juillet 2022)

ESQ

Par courrier en date du 10 mai 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a saisi l’Autorité pour avis sur une nouvelle demande de mesures de régulation de marché émanant de la société Etablissements de Saint Quentin Nobel Industries (ESQ), et incidemment de la société Plastinord appartenant au même groupe.

L’Autorité constate, en l'espèce, que les caractéristiques de ce dossier sont similaires à celui déposé en 2021 par la société ESQ et visant à instaurer une taxe de régulation de marché (TRM) de 60 % sur certains tubes et tuyaux en polymères d'éthylène (PE) et en polymères de propylène (PP) et une majoration tarifaire de 250 F à 500F/kg sur les tubes en PVC non annelés importés, en concurrence avec ceux des sociétés ESQ et Plastinord.

Dans son avis n° 2021-A-02 du 7 avril 2021, l'Autorité avait analysé le marché en détail et recommandé au gouvernement d’introduire une TRM d'un niveau de 60 % maximum sur les seuls tubes et tuyaux en PVC non annelés, dont le coût de production est effectivement plus élevé que le prix CAF des produits similaires importés, après avoir vérifié qu'il s'agit du niveau permettant le strict rattrapage du différentiel de compétitivité-coût subi par ESQ. Cette protection aurait pu être accordée pour une durée de trois ans, renouvelable automatiquement une seule fois pour une durée analogue, sous réserve de l’obtention de l’agrément définitif des produits locaux au titre du RCNC et du renforcement des engagements de la société : baisse de prix supérieure à 10%, introduction d'une comptabilité analytique permettant de s’assurer de la séparation comptable des activités de production et de négoce, révision des tarifs publics et des conditions générales de vente de la société respectant les dispositions des articles Lp. 441-2-1 et Lp. 441-6 du code de commerce. La société n'ayant pas accepté de renforcer ses engagements, le gouvernement n'a pas donné suite à cette demande.  

Dans le cadre de sa demande formulée en 2022, la société ESQ soutient que la baisse de ses volumes de production (-40 % depuis 2018) liées à la crise économique et à la concurrence de produits importés moins chers, impose la réintroduction des mesures de régulation de marché, condition  sine qua non à la poursuite de son activité de production. Elle précise qu'elle a été contrainte d’augmenter ses prix (+19 % sur le PVC) en raison de l’évolution du coût des matières premières (+ 30%) et de réduire ses effectifs (-7 emplois dans la production et -8 emplois dans le négoce entre 2019 et 2022).

La société ESQ formule des engagements en contrepartie de l’instauration effective des mesures de régulation qu’elle sollicite. Il s’agit notamment d’investir dans une nouvelle ligne de production de tubes et tuyaux en PE au sein de la société Plastinord (100 MF), de poursuivre sa démarche qualité, et de maintenir les emplois. S’agissant des prix de vente, l’Autorité observe que la société ESQ propose non plus de baisser ses prix de 10 % comme en 2021, mais de maintenir ses prix, sous réserve du cours des prix des matières premières.

L'analyse du marché montre que malgré la conjoncture difficile, la société ESQ reste bénéficiaire en 2021 (80 millions F.CFP distribués en dividendes) et en position dominante sur les différents marchés des tubes et tuyaux avec 60 à 80 % de parts de marché en volume en 2021 selon les catégories de produits concernés. En pratique, le modèle de production de la société ESQ n’est structurellement pas compétitif et ne répond plus à la demande des clients calédoniens qui préfèrent se tourner vers les produits importés de qualité différente (tubes en PVC bi-peau ou bi-orienté plutôt qu’en PVC compact proposés par la société ESQ) et dont le prix de revient est très inférieur (-35 à -51 %). S’agissant de la société Plastinord, si celle-ci produit principalement des tubes en PE dont le prix de revient est compétitif avec celui des produits importés équivalents, ses prix de vente restent encore beaucoup plus élevés que ceux produits importés équivalents revendus sur le territoire. En outre, sa ligne de production de produits en PE est en fin de vie et nécessite d’être renouvelée d’ici 3 à 5 ans.

L'Autorité considère que les engagements proposés sont donc très insuffisants pour compenser les effets de renchérissement des prix résultant de l’instauration de nouvelles taxes de régulation de marché au niveau demandé, sans compter le risque d’augmentation des prix associé au renforcement de la position dominante des sociétés ESQ et Plastinord.

Néanmoins, en l’absence de toutes mesures de régulation de marché, si le contexte économique actuel perdure, l'Autorité reconnaît qu'il serait économiquement rationnel que les sociétés ESQ et Plastinord cessent leur activité de production pour se concentrer uniquement sur leur activité principale, le négoce, ce qui pourrait conduire à la suppression de 12 emplois, en l’absence de mesures de reclassement.

Il appartient donc au gouvernement d’apprécier le bilan coût / avantages de l’octroi de tout ou partie des mesures de régulation tarifaire sollicitées par les sociétés ESQ et Plastinord au regard des objectifs prévus à l’article Lp. 413-1 du code de commerce.

S’il estime qu’il est dans l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie de soutenir ces deux sociétés, l’Autorité rejoint les conclusions de la DAE visant à limiter le champ de la protection à l’instauration d’une taxe de régulation de marché sur les tubes et tuyaux en PVC non annelés d’un niveau correspondant au strict rattrapage de leur écart de compétitivité-coût, sous réserve d’un renforcement de leurs engagements, comme elle l’avait déjà indiqué dans son avis n° 2021‑A-02 du 7 avril 2021. 

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