A la suite de la plainte du syndicat des opticiens-lunettiers de Nouvelle-Calédonie dénonçant des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la distribution de matériel d’optique-lunetterie médicale de la part de la Mutuelle du commerce et la Mutuelle du nickel, propriétaire des enseignes "Les opticiens mutualistes", l'Autorité rend une décision mixte : elle conclut au non-lieu pour les deux pratiques d'entente notifiées mais sanctionne un abus de position dominante de la Mutuelle du nickel en Province Nord du fait de pratiques de dénigrement à l'encontre des opticiens libéraux et renvoie pour partie le dossier à l'instruction.
Plus précisément, au regard de l’ensemble des éléments du dossier, l’Autorité considère que :
– la pratique d’entente notifiée au titre du grief n° 1 en raison d’échanges d’informations stratégiques entre les deux mutuelles, dans le cadre de la mise en œuvre d’une convention de prestations de services par laquelle la Mutuelle du nickel a mis à disposition de la Mutuelle du commerce son opticien-conseil pour assurer le contrôle des devis des opticiens libéraux adressés à ses bénéficiaires, n’est pas établie.
L’Autorité estime en effet que les informations transmises sont pour partie publiques et qu’en tout état de cause rien ne permet de constater que les autres informations collectées par l’opticien conseil de la Mutuelle du nickel, qui est également responsable des trois centres « Les opticiens mutualistes », aient été utilisées en violation de ses obligations contractuelles déontologiques, d’indépendance et de confidentialité, ni qu’elles l’aient conduit à adapter la stratégie commerciale des centres « Les opticiens mutualistes » pour infléchir leur comportement sur le seul segment de marché réellement concerné par la dite pratique, à savoir les produits complexes ou de luxe dont le prix excède 100.000 FCFP (soit 5 à 7 % des ventes réalisées auprès des bénéficiaires de la Mutuelle du commerce).
– la pratique d’entente notifiée au titre du grief n° 2 en raison de la création d’un partenariat entre les deux mutuelles pour instaurer, à compter du 1er juillet 2018, une nouvelle gamme de lunettes sans reste à charge au bénéfice de leurs adhérents, en réservant aux seuls centres « Les opticiens mutualistes » la distribution de cette gamme, couplée à une campagne d’information destinée aux adhérents de la Mutuelle du commerce, qualifiée de « trompeuse » pour détourner la clientèle habituelle des opticiens libéraux vers les « opticiens mutualistes », n’est pas établie.
L’Autorité estime en effet que le développement de réseaux de soins agréés entre les mutuelles et les opticiens libéraux ou mutualistes doit être a priori considéré comme proconcurrentiel. De même, une offre de lunette sans reste à charge développée par une mutuelle au profit de ses adhérents doit également être a priori accueillie favorablement au regard de la politique de la concurrence et des intérêts des consommateurs. En l’espèce, outre le fait que les opticiens libéraux auraient pu solliciter un partenariat équivalent auprès de la Mutuelle du commerce, l’instruction n’a pas pu démontrer que la pratique notifiée a eu pour effet de porter atteinte à la concurrence, la part de marché des opticiens libéraux pour la vente d’équipements optique pris en charge par la Mutuelle du commerce ayant constamment progressé entre 2018 et 2020 ;
– l’abus de position dominante de la Mutuelle du nickel sur le marché de la distribution de matériel d’optique-lunetterie médicale en Province Nord notifié au titre du grief n° 3 en raison une pratique de dénigrement à l’égard des opticiens libéraux dans le cadre de publicités diffusées dans un magazine, sur son site internet ou sa page Facebook entre 2015 et 2022 est, en revanche, établi.
Cette pratique, caractérisée par la publication de slogans faux ou de nature à jeter le discrédit sur les opticiens libéraux a été initiée en 2015 et répétée plusieurs fois par an jusqu’en 2022. Elle revêt un objet anticoncurrentiel et a pu freiner l’installation de nouveaux entrants en Province Nord voire contribuer à la fermeture en 2020 du seul opticien libéral concurrent installé à Koné. A ce titre, et compte tenu du fait que le nombre de messages dénigrants et le dommage à l’économie sont restés limités, l’Autorité a prononcé une sanction pécuniaire symbolique à vocation pédagogique d’un montant de 2,5 millions F.CFP ainsi qu’une sanction de publication dans Les Nouvelles Calédoniennes et sur la page Facebook de la Mutuelle du nickel.
Enfin, l’Autorité décide de renvoyer une partie du dossier à l’instruction considérant qu’il n’est pas exclu que la Mutuelle du nickel soit en position dominante sur d’autres marchés et qu’elle ait commis d’autres pratiques susceptibles d’être qualifiées d’abusives au sens de l’article Lp. 421-2 du code de commerce, dénoncées par le syndicat des pharmaciens dans sa saisine.