Dans sa décision 2023-DCC-06 du 17 novembre 2023, l’Autorité interdit la prise de contrôle exclusif de la SPFPL-SARL Biolabo NC par la SELAS Bioclinic, en raison des risques d’atteinte à la concurrence.
En mai 2023, le groupe Calédobio affilié au groupe Cerba en métropole et en position dominante sur les marchés des laboratoires d’analyses de biologie médicale, a notifié à l’Autorité un projet de rachat du groupe Biolabo et de ses deux laboratoires situés Ducos et au PK 7, par l’intermédiaire de la société Bioclinic.
Compte tenu du chevauchement horizontal d’activités entre la partie notifiante et la cible sur les marchés aval de la prestation d’examens de biologie médicale, et de la présence du groupe Cerba sur le marché amont de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie, l’Autorité a été conduite à examiner les effets horizontaux et verticaux de l’opération envisagée.
L’analyse concurrentielle a été conduite en trois temps.
En premier lieu, l’Autorité a analysé le scénario contrefactuel pertinent et ses effets sur les marchés en cause en confrontant la probabilité de fermeture des laboratoires de la cible, invoqué par la partie notifiante, avec le scénario mis en avant par les concurrents du groupe Calédobio, consistant en une offre alternative de rachat de la société cible.
A cet égard, l’Autorité a observé qu’en l’absence de la réalisation de l’opération, la fermeture des laboratoires de la cible était peu probable tandis qu’une offre alternative de rachat de la société cible était plus probable, un concurrent du groupe Cerba s’étant manifesté pour le rachat des laboratoires Alphabiologie, Catalan et Magenta mais aussi par le rachat de la cible. Or, ce scénario serait moins dommageable pour la concurrence que l’opération envisagée car il permettrait d’éviter le renforcement de la position dominante du groupe Calédobio et de réduire l’éclatement des opérateurs concurrents du groupe Calédobio.
En deuxième lieu, l’Autorité a examiné les effets horizontaux de l’opération et a constaté que la nouvelle entité disposerait de parts de marché de [55-60%] en volume (nombre de sites) et de [80-85%] en valeur (chiffre d’affaires), avec un incrément de [10-15%]. De plus, elle a déterminé qu’il existait un risque de quasi-monopole ou de monopole, à l’issue de l’opération.
Ce constat a conduit l’Autorité a mener une analyse qualitative des effets de l’opération qui ont permis d’identifier quatre types de risques sur les marchés aval en cause :
- Des risques d’atteinte à la structure concurrentielle des marchés, dans la mesure où le renforcement de la position dominante du groupe Calédobio est susceptible de constituer une barrière à l’entrée pour tout nouvel entrant et où les concurrents, qui s’estiment déjà victimes du fort pouvoir de marché de la partie notifiante, n’auront pas la capacité de réagir face à la nouvelle situation créée par le renforcement de la position dominante du groupe Calédobio.
- Des risques tarifaires pour les prix des actes hors nomenclature qui, même s’ils représentent une faible part de l’activité de la partie notifiante, seraient en nette augmentation et pourraient être concernés par des effets unilatéraux sur les prix.
- Des risques non-tarifaires ayant trait à la qualité des prestations et à la diversité des soins. Des préoccupations de concurrence ont été identifiées concernant la création d’une dépendance du territoire à un seul acteur privé, risque d’incitation des professionnels de santé à orienter leur patientèle en priorité vers les laboratoires du groupe Calédobio, ou encore une dégradation des services proposés, en l’absence de toute pression concurrentielle.
- Des risques concernant les marchés des examens sous-traités par les CMS de la province Sud en raison de la réduction importante (-33%) du nombre d’offreurs potentiels sur ce marché, susceptible d’emporter une détérioration du prix des offres remises ainsi qu’un appauvrissement de la diversité des réponses dans le cadre d’appels d’offres.
Concernant les marchés amont de l’approvisionnement en équipements, réactifs et consommables de biologie, l’Autorité a écarté le risque de dépendance économique.
En troisième lieu, s’agissant des effets verticaux, l’Autorité a constaté que la présence de la partie notifiante à des niveaux différents de la chaine du marché des prestations d’examens de biologie médicale en Nouvelle-Calédonie pouvait conduire à un risque de verrouillage d’accès à la clientèle dans la mesure une baisse de la sous-traitance des analyses spécialisées auprès du CHT, au profit du groupe Cerba en métropole, induirait une perte de débouchés et un risque pour la viabilité du laboratoire du CHT.
Par ailleurs, il résulte de l’analyse de la contribution au progrès économique, invoquée par la partie notifiante, que les gains d’efficacité allégués comme résultant de l’opération ne sont pas assez élevés pour contrebalancer ses effets anticoncurrentiels.
Afin de remédier aux risques anticoncurrentiels identifiés, le groupe Calédobio a proposé des engagements.
Toutefois, l’Autorité a estimé que ces engagements, de nature exclusivement comportementale, étaient insuffisants pour remédier aux risques tarifaires et non-tarifaires identifiés, de même qu’aux risques d’atteinte à la structure de la concurrence, liés au renforcement de la position dominante de la partie notifiante à l’issue de l’opération. En effet, la proposition d’engagement de la partie notifiante ne comportait aucun engagement structurel pour réduire le pouvoir de marché du groupe Calédobio à l’issue de l’opération. De plus, l’Autorité a constaté que certaines propositions de la partie notifiante étaient en réalité une résultante de l’opération (implémentation de la démarche qualité au sein de la société cible, programme d’investissement sur 3 ans, déclarations réglementaires…) et non suffisantes pour remédier aux préoccupations de concurrence. D’autres propositions ne pouvaient être considérées comme des engagements dès lors que leur mise en œuvre revenait à des tiers (organisation par le gouvernement d’une campagne de sensibilisation auprès des professionnels de santé sur la liberté de choix du patient) ou ne permettaient pas un contrôle ex ante du comportement de la partie notifiante (engagement de ne pas verrouiller l’accès aux marchés publics).
De façon générale, les propositions soumises par le groupe Calédobio dans sa lettre d’engagement étaient difficilement contrôlables, notamment en raison de leur imprécision, et relevaient, pour la plupart, de la seule diligence de la partie notifiante.
En l’espèce, l’Autorité a considéré qu’une injonction structurelle, consistant à enjoindre à la partie notifiante de céder un laboratoire avec un chiffre d’affaires comparable à celui de la cible pour garantir une structure de marché compétitive, ne permettait pas le maintien de l’intérêt économique de l’opération pour les parties et n’avait donc pas lieu d’être mobilisée pour permettre la réalisation de l’opération.
Dès lors qu’aucune mesure corrective adaptée ne pouvait être envisagée sous la forme d’engagements, d’injonction ou de prescription, pour remédier aux risques anticoncurrentiels de l’opération envisagée, l’Autorité a décidé de l’interdire.
Une infographie est disponible dans la rubrique "Infographies" de l'Autorité.