Le projet de délibération, sur lequel l’Autorité est saisie pour avis, propose de fixer le cadre d’intervention du gouvernement pour règlementer, sur habilitation du congrès, les prix ou les marges des entreprises à titre permanent ou par dérogation au principe du plafonnement en valeur des marges pendant une période de 18 mois suivant l’entrée en vigueur de la taxe générale sur la consommation (TGC) à taux plein. Cette délibération a été prise sur le fondement du projet de loi du pays adopté le 31 juillet 2018 modifiant les dispositions du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, de la loi du pays n° 2016-15 du 30 septembre 2016 et adoptant d’autres disposition.
Avant d’examiner les dispositions du projet de délibération, l’Autorité a mis en évidence les modifications apportées aux projets de loi du pays qui lui servent de support en prenant acte de la mise en oeuvre ou non des recommandations qu’elle avait formulées dans son avis n° 2018-A-02 du 17 mai 2018 et des recommandations du Conseil d’Etat dans son avis du 22 mai 2018.
L’Autorité s’est ensuite attachée à évaluer si la restriction au principe de libre fixation des prix prévue par le présent projet de délibération est justifiée, adaptée et proportionnée à l’objectif de maîtrise de l’inflation ou de baisse des prix dans le contexte de l’entrée en vigueur de la TGC à taux plein le 1er octobre prochain en examinant chacune de ses dispositions à la lumière des nouveaux critères inscrits dans le projet de loi précité et en vérifiant s’il n’existe pas de méthode moins restrictive de concurrence pour y parvenir.
Cette analyse l’a conduite à considérer que l’élargissement des facultés offertes au gouvernement, par habilitation du congrès, pour règlementer les prix ou les marges en application de l’article Lp. 411-2 du code de commerce, mériterait d’être recentré pour s’inscrire strictement dans le respect des critères légaux et des recommandations du Conseil d’Etat dans son avis du 22 mai 2018, sauf à porter une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d’entreprendre, d’où découle la libre fixation des prix.
L’Autorité a donc formulé 9 recommandations en ce sens qui peuvent être résumées de la manière suivante :
- Clarifier les définitions du prix des prix de vente maximum licite au stade intermédiaire et au détail en précisant les modalités d’application du plafonnement de la marge en valeur ou en taux en cas d’intervenants multiples ;
- Définir à l’aune de critères objectifs les notions de « produits de première nécessité » (PPN) et de « produits de grande consommation » (PGC) mentionnées au nouveau II de l’article Lp. 411-2 du code de commerce ;
- Mettre en oeuvre les recommandations émises par l’Autorité dans l’avis n° 2018-A-04 relatif à l’organisation de la filière fruits et légumes et rétablir la liberté des prix pour les fruits et légumes importés, surgelés, congelés, secs ou en conserve ;
- Supprimer la possibilité pour le gouvernement de règlementer à titre permanent les prix et les marges des verres de lunetterie, des plaques minéralogiques et de la prestation de service de vente, location-vente ou location avec option d’achats de biens ou de prestations de service au particulier par démarchage. A défaut, s’agissant a minima des prix des plaques minéralogiques, prévoir une règlementation conduisant à la fixation d’un prix au détail beaucoup plus bas que celui envisagé par le gouvernement, en adéquation avec les constatations de l’Autorité ;
- Rétablir la possibilité de règlementer les prix et les marges à titre permanent des produits relevant de la position tarifaire TD4818 (papier de toilette, papier hygiénique, serviettes en papier…) et procéder, dans les meilleurs délais, à un encadrement strict des prix de vente au détail ou supprimer les mesures de protection de marché dont bénéficie actuellement le seul producteur local ;
- Autoriser le gouvernement à règlementer les prix ou les marges dans le secteur de l’entretien automobile et des pièces de rechange automobile, durant la période de 18 mois suivant l’entrée en vigueur de la TGC à taux pleins, sous réserve de ne viser que les tarifs douaniers qui entrent spécifiquement dans ces secteurs de l’économie et avoir envisagé d’autres moyens pour limiter une hausse mécanique des prix (baisse des droits de douanes, taux différencié…) ;
- Supprimer la possibilité pour le gouvernement de règlementer les prix ou les marges dans le secteur des matériaux de construction, pendant une période de 18 mois suivant l’entrée en vigueur de la TGC à taux pleins, dans la mesure où il n’est pas démontré de risque inflationniste dans ce secteur ;
- Préciser les conditions du déclenchement de la règlementation des prix ou des marges en cas de « dérive des prix manifestement excessive », en définissant, par exemple, un seuil au-delà duquel l’inflation constatée sur une catégorie de produits est considérée comme excessive plutôt que par référence à « un nombre significatif de produits ». Ce seuil pourrait être lorsque l’inflation constatée sur une catégorie de produits considérée (par exemple, celle correspondant au code de l’indice des prix détaillé utilisé par l’ISEE pour l’inflation), pendant une période donnée (3 mois minimum étant donné la volatilité des prix de certains produits), est supérieure à la moyenne de l’inflation constatée sur la même période de référence au cours des trois dernières années ;
- Mettre en place au plus vite un dispositif d’amende forfaitaire exigible immédiatement lors de la constatation d’une infraction à la règlementation des prix et renforcer les moyens technologiques et humains de la direction des affaires économiques chargée du contrôle des prix.