Le 3 novembre 2022, l'Autorité a rendu une décision sanctionnant la société Le Froid pour avoir enfreint les règles de délais de paiement et de facturation à la suite d'une enquête d'office du service d'instruction ayant donné lieu à un procès-verbal d'infractions le 20 mai 2022.
Une sanction de 1,5 million FCFP pour non respect des règles de facturation
En l'espèce, les factures de la société Le Froid à destination des sociétés SODEC et SNID ne mentionnaient pas le taux d’escompte et comportaient un taux de pénalités de retard illégal. De plus, les factures de la société SODEC émises en vertu d’un contrat de coopération commerciale signé avec la société Le Froid ne permettaient pas d’identifier avec précision la nature des services de coopération commerciale rendue à la société Le Froid.
L’Autorité a considéré que le fait de prévoir des pénalités de retard sans préciser leur mode de calcul ou leur montant est illégal et pose un problème de transparence aux cocontractants de la société Le Froid. En outre, cela est susceptible de lui conférer un avantage concurrentiel indu, au détriment de ses concurrents, qui sont soumis à l’obligation d’appliquer un taux minimum égal à trois fois le taux d’intérêt légal. Dans ce contexte, l'Autorité a considéré qu'elle ne pouvait se prévaloir d’être victime de cette situation dès lors qu’elle l’avait créée et qu’elle a pu en tirer avantage illégalement par rapport à ses concurrents.
De plus, l’Autorité a rappelé que la mention du taux d’escompte est obligatoire même si l’entreprise n’accorde pas d’escompte. Cette circonstance a néanmoins été prise en compte au stade de l’évaluation du montant de la sanction.
Enfin, l’Autorité a rappelé qu’en matière de facturation, l’acheteur et le vendeur sont soumis à une responsabilité conjointe, l’acheteur devant réclamer la facture et la vérifier avant de la régler, notamment pour obtenir la justification des prestations de coopération commerciale facturées.
Une sanction de 4 millions FCFP pour non-respect des délais de paiement
En l'espèce, la société Le Froid est sanctionnée à double titre :
- d'une part, pour avoir prévu contractuellement de régler certaines prestations de coopération commerciale à la SODEC dans un délai de 3 mois, en contravention du délai légal de 30 jours à compter de la livraison ou de la réalisation de la prestation prévu par l'article Lp. 443-2 du code de commerce ;
- d'autre part, pour avoir accordé à ses clients un délai de règlement de 30 jours fin de mois sur ses factures alors que les dispositions dérogatoires de l’arrêté n° 2008-91/GNC du 3 janvier 2008 imposent, en matière de fourniture de produits transformés en Nouvelle-Calédonie et n’appartenant pas à la catégorie des produits frais, un délai de règlement de 14 jours après la fin du mois de livraison.
Pour sa défense, la société Le Froid a d’abord fait valoir que l’arrêté n° 2008-91/GNC du 3 janvier 2008 prévoyait la possibilité de déroger au délai règlementaire dans les conditions générales de vente (CGV). Puis, elle a questionné la base légale de cet arrêté, constatant qu’il était antérieur à la loi de 2014 codifiant les dispositions relatives aux délais de paiement. Elle a, par ailleurs, précisé avoir entrepris une démarche de mise en conformité de ses CGV à la suite de la parution de la foire aux questions (FAQ) sur les délais de paiement publiée par l’Autorité. Toutefois, elle a ajouté qu’elle n’avait pas modifié ses délais de paiement sur ses factures car la Fédération des Industries de Nouvelle-Calédonie (FINC) lui aurait conseillé le statu quo, une réforme étant imminente. La société Le Froid produit à l’appui de ses déclarations des échanges de mails avec la FINC et une copie de ses CGV mentionnant un délai conforme aux dispositions de l’arrêté n° 2008-91/GNC du 3 janvier 2008.
En réponse, l’Autorité a d’abord indiqué qu’elle n’avait pas compétence pour se prononcer sur la base légale de l’arrêté du 3 janvier 2008 mais que le défaut d’applicabilité de cet arrêté n’aurait pas pour conséquence de permettre à la société Le Froid d’octroyer des délais de paiement supérieur au délai de droit commun de trente jours figurant à l’article Lp. 443-2 du code de commerce, que ce soit par voie contractuelle ou non. Or l’examen de sa comptabilité montre que le délai de rotation client s’établit à [60-70] jours et le délai de rotation fournisseurs à [80-90] jours en moyenne sur la période 2018-2021. L’Autorité a donc considéré que la société Le Froid aurait dû respecter les délais de paiement légaux et réglementaires afin de ne pas bénéficier d’un avantage concurrentiel indu au détriment de ses concurrents.
S’agissant des circonstances qui auraient conduit la société Le Froid à ne pas mettre en œuvre des délais de paiement conformes à la réglementation, l’Autorité a tout d’abord constaté que la société Le Froid a mis en conformité ses CGV en octobre 2020 soit près de 10 mois après la publication de la FAQ et postérieurement à la prise de position de la FINC qui aurait eu lieu « fin 2019-début 2020 ». Cette démarche a donc été initiée en dépit d’éventuelles recommandations de la FINC et n’a, pour autant, jamais été mise en œuvre. L’Autorité observe également que sa pratique décisionnelle en matière de délais de paiement est désormais bien établie si bien que la société Le Froid ne pouvait pas ignorer que les délais légaux et réglementaires n’avaient pas été allongés, même si, comme elle l’a soutenu en séance devant l’Autorité, la FINC ne l’avait pas informée des suites données à ses négociations pour réformer les règles relatives aux délais de paiement.
En outre, l’Autorité a constaté que l’argument selon lequel la société Le Froid aurait été incitée par la FINC à ne pas appliquer la règlementation en vigueur n’était pas suffisamment démontré tout en précisant qu’il appartenait à la société Le Froid d’engager une action en responsabilité à l’encontre de la FINC si elle estimait, le cas échéant, que le manquement qui lui est imputé au titre de la présente décision résulte du comportement de la FINC à son égard.
Au regard de ces éléments et du fait la société Le Froid est une grande entreprise calédonienne, seule productrice de marques notoires comme « Coca-cola », à qui il incombe une responsabilité particulière en termes d’exemplarité, l’Autorité a décidé de lui infliger une amende administrative d’un montant de 4 millions de F. CFP, assortie d’une sanction de publication dans les Nouvelles-Calédoniennes ainsi que sur son site Internet pendant 30 jours.