Dans sa décision n° 2021-PCR-02 du 29 juillet 2021, l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie a enjoint à la société Gestion-Exploitation Mines de Nickel (ci-après « la société Gemini »), active dans le secteur minier, de mettre en conformité ses factures avec les obligations prévues à l'article Lp. 441-3 du code de commerce.
Dans cette affaire, le service d'instruction de l'Autorité a dressé un procès-verbal d’infraction le 22 mars 2021 après avoir constaté que les échantillons de factures de la société Gemini émises en 2019 et 2020 aient montré que la société a omis de faire apparaître de façon systématique la date à laquelle le règlement doit intervenir, le prix unitaire hors taxe, les conditions d’escompte et le taux des pénalités exigibles en cas de retard de paiement. Or, chacune de ces mentions fait partie des éléments obligatoires devant figurer sur la facture, comme le prévoit expressément l’article Lp. 441-3 du code de commerce. Le procès-verbal constate donc que la société Gemini est en infraction et rappelle que cette pratique est passible d’une sanction administrative dont le montant ne peut excéder 45 millions F. CFP pour une personne morale et, le cas échéant, d’une sanction de publicité.
Dans ses observations, la société Gemini explique se trouver dans une situation très spécifique, n’ayant qu’un seul client, la société Nickel Mining Company (NMC), et reconnaît « les problèmes purement formels (…) que présentent [ses] factures » qui n’ont jamais posé de difficulté à la société NMC. Elle démontre les avoir mises en conformité avec les dispositions de l’article Lp. 441-3 du code de commerce dès qu’elle s’est rendue compte d’être en infraction à la réception du procès-verbal.
Dans cette décision, l’Autorité rappelle que la volonté du législateur en matière de facturation entre professionnels est « d’assurer, au travers d’obligations formelles, la transparence dans les échanges économiques et de favoriser une concurrence saine et loyale ». Il importe en effet que « la nature de la prestation et ses caractéristiques puissent être mises en rapport avec le prix pratiqué en contrepartie, et par-là même favoriser une négociation commerciale la concernant ». L’Autorité précise également que la facture est un document autonome et que « les mentions exigées par l’article L. 441-3 du code de commerce doivent figurer sur les factures sans qu’il soit nécessaire de se référer aux documents qui les fondent », comme le souligne la jurisprudence constamment rappelée de la Cour de cassation. Elle souligne enfin que, même en cas de franchise de taxe comme en l’espèce, le code de commerce et le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie imposent de préciser sur la facture la mention : « Opération réalisée en franchise de taxe conformément à l’article LP. 506-2 ou LP. 506-3 du code des impôts ». De la même manière, même si la société Gemini n’accorde pas d’escompte, elle doit le préciser sur ses factures.
En l’espèce, l’Autorité constate que la société Gemini ne conteste pas avoir enfreint les dispositions de l’article Lp. 441-3 du code de commerce. L’Autorité considère qu’en l’espèce, les manquements relevés à l’encontre de la société Gemini ne revêtent pas un caractère grave et n’ont causé aucun dommage à son seul client ni de dommage à l’économie. En effet, la société Gemini se trouve dans une situation tout à fait particulière, n’ayant aucun autre client que la société NMC ni aucun concurrent à ce jour sur les sites miniers de la société NMC où elle opère. Dès lors, le risque que l’omission de certaines mentions obligatoires sur ses factures aient pu porter atteinte à une concurrence saine et loyale peut être écarté. De plus, le fait que les prestations de service de la société Gemini soient réglées le plus souvent par des « paiements en avance » de la part de la société NMC en vertu de leur contrat permet d’écarter le risque de retards de paiement qui résulteraient de l’omission de la date de règlement et du taux de pénalité exigible en cas de retard de paiement.
L’Autorité constate par ailleurs que la société Gemini est une PME dont l’activité dépend exclusivement de sa relation commerciale avec la société NMC. Elle a pleinement coopéré depuis le début de la procédure d’enquête engagée par le service d’instruction en novembre 2019 en transmettant ses factures adressées à la société NMC, celle-ci faisant également l’objet d’une procédure d’enquête parallèle. Pour autant, la société Gemini n’a pas été informée des irrégularités sur ses factures relevées par le procès-verbal avant sa notification le 22 mars 2021 et ne disposait d’aucun service juridique ou de ressources en interne susceptibles de l’alerter, en amont, sur le risque d’être poursuivie à ce titre. L’Autorité constate enfin que la société Gemini a immédiatement engagé une démarche de mise en conformité de ses factures dès la notification de son procès-verbal d’infraction le 23 mars 2021, comme le montre les factures émises entre avril et juillet 2021, transmises lors de la séance.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’Autorité considère qu’il n’y a pas lieu de prononcer une sanction pécuniaire à l’encontre de la société Gemini mais lui enjoint de modifier ses factures pour se conformer parfaitement aux dispositions de l’article Lp. 441-3 en faisant apparaître la date de règlement attendue conformément à l’article Lp. 443-2 du code de commerce. L’Autorité lui enjoint incidemment de modifier ses documents contractuels avec la société NMC afin de prévoir un délai de paiement de trente jours à compter de la date d’émission de ses factures périodiques et récapitulatives, et non à compter de leur date de réception par NMC.
Ces injonctions doivent être mises en œuvre dans les trente jours suivant la notification de la présente décision.
Ce communiqué a une valeur purement informative. Seuls font foi les motifs de la décision.