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Concurrence dans le secteur du cinéma : la SECH (Cinécity) "succombe dans son recours" devant la Cour d'appel de Paris qui confirme en tous points la décision de rejet et d'irrecevabilité de l'Autorité du 5 octobre 2020

cinéma

Dans un arrêt du 24 mars 2022, la Cour d'appel de Paris confirme en tous points la décision n° 2020-PAC-04 de l'Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (ACNC) du 5 octobre 2020 et rejette l'ensemble des moyens soulevés par la Société d'Exploitation des Cinémas Hickson (SECH) concernant des pratiques mises en oeuvre par les promoteurs du nouveau multiplex "MK2", la Province Sud, la commune de Dumbéa, la SECAL et la SIC.

Sur la régularité de la procédure

La Cour d'appel confirme que l'ensemble de la procédure mise en oeuvre par l'ACNC est régulière en rejetant les trois arguments soulevés par la SECH, considérant que :

- le fait que la rapporteure générale n’ait pas fixé de délai à la SECH pour régulariser sa demande de mesures conservatoires n’a causé aucun grief à cette dernière (point 57) ;

- la procédure prévoyant l'établissement d'un rapport préalable du service d'instruction avant la séance comme le choix d'engager une procédure de notification de griefs simplifiée, en application des articles Lp. 463-2 et Lp. 463-3 du code de commerce, ne sont pas applicables dans le cadre d'une proposition d'irrecevabilité ou de rejet du service d'instruction n'ayant donné lieu à aucune notification de griefs (points 58 à 61) ;

- le délai de trois semaines entre la notification de la date d'examen de la saisine en séance et la séance du collège elle-même est un délai raisonnable, la SECH ayant d'ailleurs su tirer profit de ce délai pour produire un nouveau mémoire de 34 pages pour contester la proposition du service d'instruction de rejet et d'irrecevabilité et pour élargir le champ de sa saisine à deux nouvelles sociétés (points 62 à 65).

Sur la recevabilité de la saisine

La Cour d'appel confirme la décision de l'ACNC conduisant à se déclarer incompétente pour examiner des décisions de la Province Sud, de la commune de Dumbéa et de la SECAL qui procèdent de l'exercice de prérogatives de puissance publique conformément aux critères de répartition des compétences dégagés par le Tribunal des conflits (4 mai 2009, pourvoi n° 09-03.714).

La Cour précise à cet égard que : "La circonstance qu’une partie des actes dénoncés dans la plainte entrait dans son champ de compétence ne conférait pas pour autant à l’ACNC le pouvoir d’apprécier la légalité d’actes distincts relevant de la compétence exclusive du juge administratif sauf à méconnaître la répartition de compétence entre l’ordre administratif et judiciaire. De la même manière, l’inapplicabilité en Nouvelle-Calédonie de la législation européenne et interne sur les aides publiques et le contrôle des sociétés d’économie mixte n’est pas de nature à permettre à l’ACNC de déroger aux principes de répartition de compétence qui viennent d’être énoncés." (point 88).

Sur l'absence d'éléments suffisamment probants

La Cour d'appel confirme également l'analyse de l'ACNC en tous points.

Sur les pratiques d'entente alléguées :

La Cour constate tout d'abord que "la SECH n’invoque plus le fait que la SIC aurait pris en charge, à la place des sociétés Promociné, KTR ou Cininvest, des dépenses de « construction d’une partie des ouvrages associés au multiplex » ou « la réalisation de certaines études », ni que les porteurs de ce projet se seraient entendus en vue de l’évincer du marché, comme elle l’avait fait dans sa saisine, mais concentre son argumentaire sur les conditions financières accordées aux porteurs du projet multiplexe MK2 pour son installation, tenant aux prix de vente des terrains et de l’installation des parkings, et sur l’absence de mise en concurrence" (point 101).

Concernant l'analyse des prix, la Cour confirme d'une part la décision de l'ACNC démontrant qu'au regard du prix à l'are, le prix de la vente litigieuse s'inscrivait dans la moyenne des prix du marché constatés par un expert judiciaire à la demande de la SECH alors qu'aucun autre élément probant ne permet de laisser présumer une entente anticoncurrentielle entre la SECAL et les promoteurs du projet MK2.

D'autre part, la Cour prend la peine d'analyser les nouveaux éléments chiffrés transmis par la SECH en appel pour conclure, qu'au regard du prix du m² SHON, le prix de la vente litigieuse était certes inférieur à celui de la moyenne des vente précédemment consenties par la SECAL sur la ZAC, mais rappelle que cette différence peut s'expliquer "par le manque d'attractivité de la parcelle et l'absence de projet concurrent" à l'époque (point 106). Elle ajoute qu'elle "peut également trouver une explication dans la différence de nature de la destination des constructions projetées sur la ZAC, un cinéma mulitplexe ne pouvant être utilement comparé à une résidence étudiante, des commerces ou des locaux à usage de bureaux" (point 110). 

La Cour rejette donc tous les moyens soulevés par la SECH.

Sur les pratiques d'abus de position dominante de la SECAL alléguées

La Cour rappelle comme l’a, à juste, titre relevé l’ACNC, que la démonstration d’un abus de position dominante exige de définir préalablement le marché sur lequel opère l’entreprise mise en cause et sa position dominante sur ce marché.

Confirmant la décision de l'ACNC, la Cour souligne aux points 120 à 123 que la SECH n’a pas indiqué dans sa plainte le marché sur lequel la SECAL serait en position dominante et n’y a procédé qu’à l’occasion du recours entrepris, en vain :

" 121. Que le marché affecté soit celui de la diffusion cinématographique en salle retenu par l’Autorité, ou celui plus large intégrant l’intégralité des modes de diffusion des films, en particulier celui de la vidéo à la demande, revendiqué par la SECH, il est constant que la SECAL n’y est pas en position dominante. Force est de constater également que la SECH ne fournit aucun élément permettant d’étayer l’existence d’un lien de connexité entre ces marchés et celui de la promotion immobilière dans le périmètre de la ZAC de Koutio, qu’elle a identifié, dans ses observations devant la Cour, comme étant celui où la SECAL serait en position dominante. Par suite, aucun élément ne permet de considérer, en cet état, que les faits dénoncés apparaissent susceptibles de constituer une pratique contraire à l’article Lp.421-2 du code de commerce.

122. Tous les arguments qu’elle développe au soutien d’un abus de position dominante (subventions croisées résultant d’aide illégale, absence de mise en concurrence...),qui visent au demeurant tant la SECAL que la commune de Dumbéa, sont dès lors inopérants.

123. Il en résulte que c’est à juste titre que l’ACNC a retenu que la saisine fondée sur d’éventuelles pratiques d’abus de position dominante de la SECAL devait être rejetée faute d’éléments suffisamment probants."

Sur la prise en charge des "frais non compris dans les dépends"

Enfin, la Cour constate que "la SECH, qui succombe dans son recours, n’est pas fondée à solliciter le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile" (point 126).

En conséquence, la Cour rejette le recours en annulation et réformation formé par la SECH contre la décision de l'Autorité du 5 octobre 2020 et l'ensemble de ses demandes.