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La SODEC (Burger King) sanctionnée à hauteur de 6MF pour trois pratiques restrictives de concurrence dans le secteur des boissons (décision n° 2022-PCR-01 du 20 avril 2022)

BK

La Société de Développement Calédonienne (ci-après, « la SODEC ») est une société active dans le secteur de la restauration rapide, dont l’activité consiste en l’exploitation de restaurants d’enseigne Burger King. Elle se fournit en produits de boissons auprès de la société Le Froid, spécialisée dans la commercialisation et la distribution de boissons gazeuses notamment.

Dans le cadre d’une enquête d’office sur les pratiques commerciales restrictives et la transparence des relations commerciales, le service d’instruction de l’Autorité a dressé un procès-verbal d’infractions le 22 mars 2021 à l’encontre de la SODEC.

Aux termes de sa décision n° 2022-PCR-01 du 20 avril 2022, l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (ACNC) sanctionne la Société de Développement Calédonienne (SODEC), qui exploite l’enseigne Burger King, à hauteur de 6 millions de francs au titre de trois manquements distincts :

- 1 million FCFP pour avoir bénéficié d’une rémunération de la part de son fournisseur qui n’apparaît pas justifiée par un intérêt commun et qui ne s’accompagnait pas de contrepartie proportionnée de la part de la société SODEC, en contravention du II de l’article Lp. 441-7 du code commerce ;

-2,5 millions FCFP pour ne pas avoir respecté le formalisme imposé par les articles Lp. 441-3 à 441-6 du code de commerce en matière de facturation ;

- 2,5 millions FCFP pour ne pas avoir respecté les règles relatives aux délais de paiement fixées par l’article Lp. 443-2 du code de commerce et par l’arrêté n° 2008-91/GNC du 3 janvier 2008 portant fixation des délais de paiement des produits de consommation courante obtenus, fabriqués ou transformés localement.  

Si cette décision reprend la jurisprudence classique de l'ACNC en matière de non-respect des règles de facturation entre commerçants, il s'agit de la première décision sanctionnant le non-respect des règles de délais de paiement spécifiques applicables à la production des produits de consommation courante obtenus, fabriqués ou transformés localement résultant de l'arrêté n°2008-91/GNC du 3 janvier 2008. L'Autorité souligne notamment que si le gouvernement a pris la peine d'adopter une règlementation dérogatoire au délai légal de 30 jours par arrêté pour tenir compte des spécificités du secteur de la production locale, il est d'autant plus important que les entreprises locales la respectent. 

En outre, il s'agit de la première décision relative à l'application de l'article Lp. 441-7 du code de commerce régissant les obligations en matière de coopération commerciale. 

Sur ce point, l'ACNC commence par préciser les contours de l'obligation formelle visée au I de cet article imposant la rédaction d'un contrat de coopération commerciale spécifique "par lequel un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ses produits aux consommateurs, des services propres à leur commercialisation qui ne relève pas des conditions générales de vente (CGV)". 

Au regard des débats au congrès de la Nouvelle-Calédonie lors de l’adoption de ce texte, l’Autorité considère, à l’instar de l’analyse retenue en métropole par la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), que l'obligation de formaliser un contrat de coopération commerciale spécifique ne s'applique pas aux distributeurs ou aux prestataires de service revendant des produits transformés, étant précisé que la revente de produits avec transformation ne consiste pas nécessairement en la transformation physique du produit, mais peut également résulter du fait de rendre une prestation globale au consommateur.

Elle en conclut que les cafés-hôtels-restaurants (CHR), y compris les fast-food qui proposent un service en salle ou en drive voire un service de livraison, ne sont pas concernés par l’obligation de formaliser un contrat de coopération commerciale car, même s’ils revendent en l’état des produits de boissons, cette revente est comprise dans une prestation de services plus globale (service par un personnel qualifié en salle, ambiance, drive, livraison...). En l’espèce, la SODEC ne peut donc se voir reprocher, comme le relevait le procès-verbal d'infractions, de ne pas avoir conclu un contrat de coopération commerciale spécifique avec la société Le Froid et d’avoir inclus des clauses de coopération commerciale dans un contrat d’approvisionnement plus large avec la société Le Froid.

En revanche, l'Autorité souligne que le quatrième alinéa du II de l'article Lp. 441-7 du code de commerce impose à l'Autorité de sanctionner, au moyen d’une amende administrative d'un montant maximum de 5 MF, tout "commerçant" qui bénéficierait d’une rémunération dépourvue des contreparties inhérentes aux obligations de coopération commerciale ou disproportionnée aux services qu'il a pu rendre à son fournisseur, qu'il y ait un contrat écrit ou non

L'interdiction de l'avantage sans contrepartie à disproportion de valeur a donc un champ bien plus large que le I du même article et s'impose aux CHR comme à tout autre commerçant qui rendrait un service de coopération commerciale à son fournisseur.

En l'espèce, l'Autorité considère que si la rémunération perçue par la SODEC au titre des opérations promotionnelles ou de communication qu'elle rend à la société Le Froid à travers la mise en valeur des certaines boissons (Coca-Cola en particulier) est justifiée par des contreparties et proportionnée aux services rendus au regard des factures versées au dossier, tel n'est pas le cas de la rémunération d'un million d'euros versée par la société Le Froid à la SODEC pour chaque ouverture ou changement d'enseigne des restaurants Burger King.

L'Autorité constate en premier lieu que la SODEC ne produit aucun élément démontrant que la société Le Froid retire un avantage en contrepartie du versement d’une telle rémunération, dont le montant est exclusivement justifié par des factures d’achat de « menu-board » ou de caisses enregistreuses. L’Autorité considère en effet que ces investissements sont indispensables à l’activité des restaurants présents dans le secteur de la restauration rapide et ne sont pas détachables de la vente de prestation de services de restauration rapide, quand bien même les menus-board et caisses enregistreuses feraient apparaître les logos des marques vendues par la société Le Froid. La SODEC ne démontre pas non plus le service spécifique qu’elle rendrait à la société Le Froid par de telles acquisitions.

L’Autorité constate en second lieu que les autres services de coopération commerciale évoqués par la SODEC dans ses observations écrites et orales n’ont donné lieu à aucune facture, n’étaient pas liés à l’ouverture ou au changement d’enseigne du restaurant et n’étaient pas distincts des actions promotionnelles ou de communication habituelles réalisées par la SODEC pour valoriser les marques de son fournisseur afin d’accroître ses volumes de ventes.