Dans sa décision n° 2020-DEC-08 du 11 septembre 2020, l'ACNC a autorisé, sous réserve d'engagements, l'ouverture d'un hypermarché sous enseigne "Hyper U" à Païta d'une surface de vente de 3 600 m² par le groupe Ballande.
Sur la procédure
En avril 2020, le groupe Ballande a notifié à l’Autorité un projet de mise en exploitation d'un commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne « Hyper U » d’une surface de vente de 3 600 m² sur la commune de Païta, pour une ouverture effective prévue « au plus tôt fin 2021 ». Elle a également notifié, en juin 2020, un autre projet visant à l’ouverture d’un Hyper U à l’Anse Uaré, d’une surface de vente de 5 500 m², dont l’ouverture effective interviendrait en 2023 sous réserve de l’obtention d’un permis de construire.
Dans la présente décision, l’Autorité autorise l’ouverture de l’Hyper U Païta, sous réserve des engagements proposés par le groupe Ballande dans leur version finale du 7 septembre 2020, étant précisé que l’examen du dossier relatif à l’Hyper U Anse Uaré est toujours en cours. Néanmoins, l’Autorité en a tenu compte dans l’analyse concurrentielle de la présente opération car il s’agit de l’hypothèse la plus défavorable à la partie notifiante.
Sur les marchés pertinents
Le groupe Ballande étant présent à travers plusieurs de ses filiales sur de nombreux marchés susceptibles d'être affectés par l'opération, l'Autorité a été conduite à définir :
- les marchés amont de l'approvisionnement, sous segmentés selon qu'il s'agit d'approvisionnement en produits alimentaires ou non alimentaires
- les marchés amont de la production, et en particulier le marché de la production et de la commercialisation de vins tranquilles d'une part, et le marché de l'élevage de viande bovine d'autre part
- le marché de la distribution en gros de produits alimentaires
- les marchés aval de la distribution au détail, en distinguant par catégories de produits :
- marché de la distribution au détail à dominante alimentaire généraliste
- marché de la distribution au détail de produits alimentaires surgelés ou congelés
- marché de la distribution au détail de boissons alcooliques et fermentées
- marché de la distribution au détail de vêtements et de chaussures d'entrée de gamme
- marché de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration
- marché de la distribution au détail d'articles de sport
- les marchés des services d'agences maritimes, de manutention portuaire et du transport routier de marchandises
Il faut souligner qu'en raison du test de marché et de la consultation publique réalisés au cours de l'instruction, l'Autorité a considéré que les grandes et moyennes surfaces alimentaires (GSA) et les grandes et moyennes surfaces spécialisées (GSS) sont en concurrence sur les marchés de la distribution au détail :
- de produits alimentaires surgelés ou congelés (GSA, GSS type "Thiriet")
- de boissons alcooliques et fermentées en Province Sud (GSA, cavistes type "Maison Ballande")
- de la distribution au détail de vêtements et de chaussures d'entrée de gamme (GSA, GSS type "La Halle"...) comme elle l'avait déjà souligné dans sa décision n° 2020-DEC-05 du 25 juin 2020 (Tati/Gemo)
- de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration (GSA, GSS type "La foir'fouille") comme elle l'avait déjà souligné dans sa décision n°2020-DEC-07 du 6 août 2020 (Nouméa Pas cher).
Sur l'analyse concurrentielle
L’Autorité a examiné les potentiels effets horizontaux et verticaux des opérations envisagées. Les effets horizontaux concernent le risque d’aboutir à une hausse des prix ou une baisse des quantités au détriment du consommateur in fine, tandis que les effets verticaux concernent les risques de verrouillage du marché des intrants d’une part et d’accès à la clientèle d’autre part. Le risque d’effets congloméraux, qui vise d’éventuelles ventes ou remises liées entre des produits et services du groupe Ballande sur des marchés connexes sur lesquels il dispose d’un pouvoir de marché à travers ses filiales n’a pas été identifié par les acteurs du marché et a donc été écarté.
S’agissant des effets horizontaux, l’analyse concurrentielle a tout d’abord permis de constater que les deux opérations envisagées par le groupe Ballande permettent l’arrivée d’un nouvel entrant crédible sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire dans le Grand Nouméa, susceptible de casser le caractère duopolostique du maché actuel, dominé par les groupes GBH et Carrefour.
L’instruction fait apparaître que la part de marché du groupe Ballande (exprimée en surface de vente ou en valeur) sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire (entre [10 et 35] % en fonction de la zone de chalandise) sera, en toute hypothèse, inférieure à celle de ces deux principaux concurrents, GBH et Carrefour.
Par ailleurs, l’ouverture de l’Hyper U Païta n’est pas non plus de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés aval de la distribution alimentaire et non-alimentaire spécialisée, sur lesquels le groupe Ballande est déjà présent (produits surgelés, boissons alcooliques fermentées, vêtements et chaussures d’entrée de gamme, produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix, articles de sport).
Enfin, l’instruction a permis de constater que l’ouverture des deux Hyper U n’est pas susceptible de renforcer de façon significative la puissance d’achat du groupe Ballande sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits alimentaires et non-alimentaires de dimension internationale ni sur le marché amont de l’approvisionnement en produits alimentaires de dimension locale.
S’agissant des effets verticaux, l’analyse concurrentielle a montré que les risques de verrouillage susceptibles d’être engendrés par l’ouverture des deux Hyper U sont variables.
Ainsi, celle-ci n’est pas de nature à produire des effets de verrouillage entre les marchés amont de l’approvisionnement et de la distriubtion au détail de vins tranquilles.
Par ailleurs, le test de marché a fait état des inquiétudes manifestées par les futurs concurrents des Hyper U sur le marché du transport routier de marchandises par camion complet (opéré par la filiale STTR du groupe Ballande), que l’analyse concurrentielle a néanmoins permis d’écarter.
A contrario, l’instruction a confirmé l’existence de préoccupations de concurrence sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires liées au risque de verrouillage par les intrants de la part de certaines filiales du groupe au profit des Hyper U : risque de refus de vente ou mise en œuvre de prix ou de conditions moins favorables par la société Serdis, grossiste-importateur et par la société Agrical, producteur de viandes.
En outre, l’instruction a soulevé un risque lié au partage d’informations stratégiques entre la société Serdis et les Hyper U de nature à nuire à la concurrence sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire.
Sur les engagements pris par le groupe Ballande pour lever toutes les préoccupations de concurrence
Dans un courrier du 7 septembre 2020 (pj), le groupe Ballande a pris des engagements qui permettent de lever les préoccupations de concurrence identifiées ci-dessus, à travers :
- l’application non discriminatoire par la société Serdis de grilles tarifaires destinées aux hypermarchés, supermarchés et discounters du Grand Nouméa (engagement n° 1) ;
- l’exploitation des Hyper U par des sociétés indépendantes et distinctes de la société Serdis (engagement n° 2) ;
- l’interdiction de communiquer des données sensibles entre ces sociétés sur les données commerciales et confidentielles dont Serdis dispose en tant que fournisseur des concurrents des Hyper U (engagement n° 2) ;
- la sensibilisation des équipes commerciales de la société Serdis sur la nécessité de respecter cette obligation de confidentialité. Pour ce faire, des mesures concrètes devront être prises à travers la diffusion annuelle d’une circulaire interne rappelant ces engagements, une formation aux exigences du droit de la concurrence et l’insertion d’une clause dans les contrats de travail rappelant que tout manquement au droit de la concurrence expose les salariés à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave (engagement n° 2) ;
- le traitement non-discriminatoire des commandes par la société Serdis en cas de risque de rupture ponctuelle de stocks, fondé sur une répartition des stocks disponibles entre les clients de la société Serdis selon les volumes historiques de commandes afin de ne pas pénaliser ses plus petits clients (engagement n° 3) ;
- la poursuite par la société Serdis de ses opérations promotionnelles mensuelles auprès des commerces de proximité (engagement n° 4) ;
- l’application non discriminatoire d’une grille tarifaire de la viande produite par la société Agrical afin que les prix de vente aux Hyper U soient identiques aux prix de vente pratiqués auprès des autres boucherie de la zone Païta, hors monopole de l’OCEF (engagement n° 5).
Ces engagements sont pris pour une durée de cinq ans, éventuellement renouvelable, et seront contrôlés par un mandataire indépendant supervisé par l’Autorité.
L’Autorité a considéré que ces engagements, qui sont clairs, précis et ne qui soulèvent pas de doute quant à leur mise en œuvre, permettent de neutraliser les effets potentiellement anticoncurrentiels de l’opération envisagée.
Pour mémoire
En 2015, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait déjà accordé à la SARL SCD Païta et à la SAS SCD l’autorisation d’ouvrir un commerce de détail sous enseigne « Hyper U », respectivement, à Païta d’une surface de vente de 3 000 m² et à Nouméa (Anse Uaré) de 5 500 m². Dans le cadre de la prise de contrôle de ces deux sociétés par le groupe Ballande postérieurement à ces deux autorisations, le groupe Ballande a du déposer deux nouvelles demandes d’autorisation. Celles-ci lui ont été accordées par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie fin 2016, sous réserve d’engagements, afin de lever les risques d’atteinte à la concurrence liée à l’intégration verticale des Hyper U au sein du groupe. Cependant, la Cour administrative d’appel de Paris avait annulé ces deux autorisations en avril 2019, en raison d’un vice de procédure, dans le cadre d’un recours formé par la société SDG Carrefour SA, qui exploite l’hypermarché Kenu In concurrent.