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L'ACNC préconise l'introduction d'une norme calédonienne qualitative sur les lambris en PVC plutôt qu'une taxe de régulation de marché de 40% (avis n°2020-A-06 - société 3P)

3P

La société 3P, seul fabricant de profilés lambris PVC présent en Nouvelle-Calédonie, a sollicité le 7 août 2020 une mesure de régulation de marché (TRM) consistant en une taxe de 40 % sur les produits importés relevant de la position douanière n° 3916.20.10 « Profilés en PVC d’une largeur inférieure à 215 mm et d’une épaisseur de parois inférieure ou égale à 1,2 mm ». Cette demande a été instruite par la Direction des affaires économiques (DAE) qui a rendu son avis le 26 août 2020. Conformément aux dispositions de l’article 413-13 du code de commerce, l’Autorité est à son tour saisie pour avis.  

La société 3P a déjà eu l’occasion de formuler par le passé des demandes de régulation qui ont abouti en 2019, en dépit de l’avis défavorable de l’Autorité à l’instauration d’une mesure STOP (interdiction d'importations) sur la position douanière concernée. Toutefois, le 21 novembre 2019, cette mesure a été annulée avec d’autres par décision du Tribunal administratif sur la requête du Haut-Commissariat, le recours en tierce opposition de la société 3P étant actuellement pendant.  

S’agissant de la présente demande de TRM de 40 %, l’Autorité constate tout d'abord que, malgré la conjoncture économique atone du secteur BTP, la société 3P a réussi à maintenir son volume de production de lambris PVC alors que les importations ont beaucoup baissé depuis 2014 (-38 %) et qu'elle dispose d’une santé financière saine ne mettant pas en péril ses 8 emplois actuels. L'Autorité souligne que l'instauration d'un STOP pendant la quasi-totalité de l'année 2019 n'a pas eu pour effet d'accroître la demande auprès de la société 3P alors que le retrait de cette mesure de protection n'a pas non plus eu pour effet de relancer le volume de lambris importé. En résumé, cette mesure de protection n'a eu aucun effet sur la production locale.

La société 3P estime cependant être fortement concurrencée par des produits importés, qui s'avèrent le plus souvent de qualité inférieure (vieillissement prématuré, absence de résistance au feu et aux UV) et dont le coût de revient serait très inférieur au sien. Elle estime donc qu'une mesure de régulation de marché est indispensable. Elle attend d’une TRM de 40 % qu’elle lui permette de rattraper son différentiel de coût de revient et qu'elle réduise la pression concurrentielle à laquelle elle est soumise. En contrepartie de cette mesure, la société 3P s’engage à améliorer la qualité et la diversité de ses produits, baisser ses prix de 3 %, renforcer son investissement productif, maintenir ou créer l’emploi local.  

L'Autorité observe tout d'abord que même en retenant l’hypothèse la plus favorable à la société 3P concernant le marché pertinent, la part des importations sur ce marché reste faible et en baisse (20 %) au regard de la production de la société 3P (80 %). Cette situation est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquels les arguments de la société 3P n'ont pas convaincu la DAE qui a émis un avis négatif sur la demande de TRM de la société 3P, soulignant l’absence de justification économique d’une telle mesure au regard des objectifs fixés par la loi. En séance de l’Autorité le 4 novembre 2020, le commissaire du gouvernement a confirmé cette analyse en soulignant notamment que la distribution de dividendes par la société 3P à ses actionnaires ces huit dernières années, malgré la concurrence des produits importés, démontre qu'elle est capable d'y faire face sans soutien public.

Dans le cadre de son enquête, la DAE a également recueilli l’avis du Syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle-Calédonie (SIDNC) qui s’est positionné défavorablement sur la demande de la société 3P, de la Fédération des Industries de Nouvelle-Calédonie (FINC) qui lui apporte au contraire son soutien, ainsi que de la Province Nord et de la CCI-NC qui expriment des avis pondérés tout en regrettant l’absence de données statistiques et d’information claire pour émettre un avis.  

A l'issue de l'instruction réalisée par l'Autorité, notamment par l'intermédiaire d'un test de marché, L’analyse concurrentielle montre que si la mesure sollicitée ne devrait pas avoir d'effet sensible sur la structure de la concurrence, elle n’est pas non plus de nature à produire les effets attendus par la société 3P en limitant sensiblement le recours aux importations.

Tout d'abord, l’Autorité considère que la puissance de marché de la société 3P, en position dominante sur les marchés de la production et de la distribution de lambris en PVC, doit être relativisée puisqu’il est probable qu’une augmentation des prix ou une réduction de la qualité de ses produits conduiraient les utilisateurs à se tourner vers d’autres matériaux de construction, totalement ou  partiellement substituables entrant dans d'autres tarifs douaniers que celui sur lequel la TRM serait appliquée, ce qu’ils ont déjà commencé à faire depuis janvier 2019.

En outre, l’analyse concurrentielle montre que si une TRM de 40 % sur les produits relevant du TD. 3916.20.10 pourrait contribuer de façon très limitée au progrès économique, son impact sur la concurrence des produits importés sera très faible et comporte néanmoins un risque d'augmentation des prix des lambris PVC importés au détriment des consommateurs ayant des revenus modestes. En outre, il n'est pas démontré que la baisse des tarifs de 3 % par la société 3P à ses clients professionnels soit répercutée sur les prix de vente au détail au bénéfice des consommateurs.  

L’Autorité déduit de l’ensemble de ces éléments que la mesure de régulation sollicitée apparaît peu pertinente pour parvenir à l'objectif poursuivi par la société 3P. En conséquence, l'Autorité recommande au gouvernement de privilégier l'introduction d’une norme calédonienne limitant l’importation et la distribution de lambris PVC en Nouvelle-Calédonie aux seuls produits répondant à des critères qualitatifs (garantie antivieillissement, traitement anti-feu, respect des normes REACH…), contrôlables par voie documentaire, pour promouvoir la concurrence par la qualité entre les produits locaux et importés en poursuivant un objectif de protection des consommateurs sans altérer sensiblement le jeu de la concurrence.

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