Le congrès a adopté la délibération n° 21/CP du 11 avril 2020 portant aménagement des règles et des délais en matière administrative, civile et de procédure civile dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.
Certaines de ces dispositions sont susceptibles de concerner les procédures de l’ACNC puisque seuls sont exclus “les délais et mesures résultant de l’application de règles fiscales et douanières et de règles édictées par les provinces ou les communes de la Nouvelle-Calédonie.” L’article 6 vise en outre expressément les décisions d’une “autorité administrative indépendante”.
1. Les dates de référence
L’article 1er de la délibération n° 21/CP dispose :
I. ‒ Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 23 mars 2020 et la fin d'un délai d'un mois suivant la date de cessation de la période d’urgence sanitaire fixée localement par arrêté conjoint du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. (…)
L’arrêté conjoint du haut-commissaire et du président du GNC modifié n° 2020-4608 du 23 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 en Nouvelle-Calédonie prévoit en son article 10 que pour l’application de la délibération n° 21/CP, « la fin de la période d’urgence sanitaire est fixée au 3 mai 2020. »
Comme il faut ajouter un mois à ce terme, les aménagements prévus par la délibération n° 21/CP vont donc concerner des mesures dont l’échéance est comprise entre le 23 mars 2020 et le 3 juin 2020.
Cette période est nommée “période juridiquement protégée” (ci-après : “PJP”).
2. Les aménagements de délais dont dispose l’ACNC pour rendre ses décisions et avis et les délais accordés pour les consultations du public
L’article 6 de la délibération n° 21/CP dispose :
Les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis d’une administration, de ses établissements publics, d’une autorité administrative indépendante, ainsi que des organismes et personnes chargés d’une mission de service public administratif, y compris la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT), pour la mise en œuvre d’une réglementation édictée par la Nouvelle-Calédonie, peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 23 mars 2020 sont suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée à l’article 1er.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée à l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier la complétude d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.
Dans l'hypothèse où la mise en œuvre d'une enquête publique est indispensable à la réalisation d'un projet urgent, la collectivité peut toutefois décider de sa poursuite ou de son démarrage. Elle est alors réalisée de manière dématérialisée pendant toute la durée de la période mentionnée à l'article 1er, après information du public par tout moyen.
Le cas échéant, pour l’ACNC, sont donc suspendus lorsqu’ils expirent dans la PJP, entre le 23 mars et le 3 juin :
- les délais prévus en matière de concentration par les articles Lp 431-5 et Lp 431-6 ou en matière de commerce de détail par les articles Lp. 432-3 et Lp. 432-4 ;
- les délais obligatoires prévus en matière d’avis par les articles Lp. 411-1 (prix) et Lp. 413-13 (régulations de marché) ;
- les délais accordés pour une consultation du public lancée par l’ACNC (sauf urgence)
Dans l’hypothèse où un délai a commencé à courir avant le 23 mars, il sera tenu compte de la période déjà écoulée.
Exemple : pour une opération de concentration éligible à la procédure simplifiée de 25 jours, si un dossier est considéré comme complet le 17 mars, 4 jours ouvrés sont passés avant le 23 mars. Au lieu d’expirer le 21 avril, le délai va expirer le 2 juillet.
17 mars → 20 mars : 4 jours ouvrés expirés
21 mars (samedi) → 3 juin : délai suspendu
4 juin → 2 juillet : 21 jours ouvrés restants
- Si le point de départ d’un délai aurait dû commencer à courir dans la PJP, ce point de départ est reporté au 4 juin.
Exemple : pour une opération de concentration, si une entreprise notifie un dossier complet le 15 avril, le point de départ du délai pour rendre la décision ne commencera à courir que le 4 juin.
- Les décisions concernées peuvent néanmoins être rendues sans attendre l’expiration des délais supplémentaires.
Une décision qui serait adoptée dans la PJP sans tenir compte de la possibilité de suspension du délai resterait légale.
3. Les aménagements de délais bénéficiant aux entreprises
Les délais pour l’exécution d’engagements
L’article 7 de la délibération n° 21/CP dispose :
« Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 23 mars 2020, les délais imposés par une administration ou un des organismes visés au premier alinéa de l’article 6, conformément à une législation ou à une réglementation édictée par la Nouvelle-Calédonie, à toute personne pour se conformer à une mise en demeure, réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée à l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. »
Les délais de mise en œuvre des engagements (ou les injonctions) qui ont pu être prononcés sont suspendus pendant la PJP.
Si des engagements devaient arriver à expiration pendant la période de référence, ils ne pourraient être fait grief à l’entreprise de ne pas les avoir remplis et elle bénéficierait d’un report du délai.
Exemple 1 : une entreprise doit transmettre un document le 14 avril. Entre le 23 mars et le 14 avril, soit pendant 23 jours calendaires, le délai est suspendu. L’entreprise pourra donc remettre le document 23 jours après la fin de la période, soit le 26 juin.
Exemple 2 : une entreprise doit respecter un engagement la conduisant à devoir remettre des documents à l’ACNC dans un délai d’un mois qui expire 9 mai. Elle dispose d’un report à compter de la fin de la PJP fixée au 3 juin. En conséquence, les documents devront être transmis au plus tard le 3 juillet.
Les délais de prescription
L’article 2 de la délibération n° 21/CP dispose :
Tout acte, recours, action en justice portée devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli au cours de la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. (…)
Pour rappel, l’article Lp. 462-7 prévoit que l’ACNC ne peut être saisie de faits remontant à plus de cinq ans « s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ».
Conformément à l’article 2 de la délibération n° 21/CP, pour éviter la prescription d’action de l’ACNC, les actes ou décisions qui auraient dû intervenir dans la période concernée pourront être accomplis dans un délai de deux mois à compter de la fin de la période, soit jusqu’au 3 août 2020.
Les délais de recours contre les décisions de l’Autorité devant les juridictions relèvent de la compétence de l’Etat et sont prévues par l’ordonnance n° 2014-471 du 7 mai 2014 (PAC) et par le code de justice administrative (concentrations/SC, PCR).
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période prévoit en son article 2 :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »
Cet article est applicable en Nouvelle-Calédonie sauf « en tant qu’[il s’applique] à des matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie. » A contrario, il s’applique donc pour des matières relevant de compétence de l’Etat.
Il n’est pas prévu d’adaptation ce qui semble impliquer que la PJP pour ces recours n’est plus celle de la Nouvelle-Calédonie mais celle de la métropole (du 12 mars jusqu’au mois suivant la fin de la période d’urgence sanitaire). Les éventuels requérants disposeraient d’un délai supplémentaire de deux mois pour introduire un recours après la fin de la période de référence en métropole.