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Avis dans le secteur des laboratoires de biologie médicale (Avis n° 2020-A-03 du 24 avril 2020)

Laboratoire

Le présent avis concerne le secteur de la biologie médicale en Nouvelle-Calédonie dont la réglementation serait substantiellement modifiée par l’adoption du projet de loi du pays instituant le livre VI de l’ancien code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie, en cours de discussion devant le congrès de la Nouvelle-Calédonie (ci-après « le congrès »).

Il répond à une saisine du congrès du 4 mars 2020 visant à ce que l’Autorité puisse dégager des critères objectifs pour permettre au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (ci-après « le gouvernement ») de s’opposer, pour des motifs tenant au risque d’atteinte à la continuité de l’offre de biologie médicale, à l’ouverture ou au rachat de tout ou partie d’actifs d’un laboratoire de biologie médicale (ci-après « LBM ») ou d’un site de LBM.

Ces dispositions portent atteinte à la liberté d’établissement, à la libre circulation des capitaux et à la liberté d’entreprendre. Néanmoins, il est de jurisprudence constante que ces libertés peuvent être limitées pour un motif d’intérêt général suffisant et s’il n’en résulte pas une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. En l’espèce, l’objectif poursuivi par le gouvernement est d’éviter un risque d’atteinte à la continuité de l’offre de biologie médicale.

Après avoir présenté le secteur de la biologie médicale en Nouvelle-Calédonie et les principales modifications proposées par le projet de loi du pays (notamment la possibilité de créer un LBM « multi-sites »), l’Autorité a défini les marchés pertinents et analysé la répartition actuelle des parts de marché qui montre que le secteur est déjà fortement concentré avec un opérateur dominant qui représente [50-60] % de l’offre de biologie médicale de routine sur l’ensemble du territoire.

Cette analyse lui a permis de répondre à la demande d’avis du congrès en tenant compte des spécificités du territoire qui la conduise à proposer des critères différents de ceux applicables en métropole pour éviter une réforme disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

Sur la possibilité pour le GNC de s’opposer au rachat total ou partiel du capital d’un LBM ou d’un site de prélèvement (article Lp. 6212-3)

L’Autorité considère que les regroupements d’entreprises permettent aux entreprises concernées d’améliorer leur compétitivité en dégageant des gains d’efficacité économique, qui peuvent se répercuter positivement sur la compétitivité globale de l’économie, sur la capacité d’innovation ainsi que sur le bien-être et le pouvoir d’achat des consommateurs.  

Cependant, ces bénéfices ne sont pas assurés lorsque la multiplication des regroupements de laboratoires entrave de manière significative le libre jeu de la concurrence et in fine la continuité de l’offre de soins à travers la création de situations de marché oligopolistiques voire monopolistiques.

Aussi, l’Autorité propose au congrès de retenir trois critères cumulatifs pour permettre au gouvernement de s’opposer à une opération d’acquisition, de fusion ou de prise de participation minoritaire ou majoritaire au sein d’un LBM ou d’un site de LBM, pour un motif tenant à la continuité de l’offre de soins, lorsque :

–  l’opération entraine un chevauchement d’activités entre les parties, c’est-à-dire lorsqu’elles sont actives sur le(s) même(s) marché(s) concerné(s) ou sur des marchés situés à des stades différents de la chaîne de valeur (à l’amont ou à l’aval) ou sur des marchés connexes : ce critère permet de ne pas limiter l’investissement dans le secteur des LBM par des opérateurs non présents sur ces marchés ;

– l’opération n’est pas une opération de concentration déjà soumise au contrôle de l’Autorité en application des articles Lp. 431-1 et suivants du code de commerce : en effet, dans cette hypothèse, le gouvernement a déjà la possibilité de s’opposer à l’opération même s’il est en désaccord avec l’Autorité pour un motif autre que le maintien de la concurrence ;

– les parties à l’opération sont susceptibles de réaliser, à l’issue de l’opération, 50 % ou plus du total des examens de biologie médicale réalisés l’année précédente sur le marché géographique du laboratoire cible, hors examen d’anatomo-cyclo pathologie. Ce critère vise à limiter le champ de l’interdiction aux seules opérations susceptible de conduire à la création ou au renforcement d’une position dominante.

En outre, l’Autorité considère que le gouvernement pourrait autoriser cette opération s’il n’est pas démontré d’atteinte à la continuité de l’offre de soins ou si le LBM propose, en contrepartie, des engagements précis et contraignants de nature à préserver ou améliorer la continuité du service, la permanence de soins et/ou la qualité et la diversité des prestations susceptibles d’être offerts aux patients sur la zone géographique pertinente. Le non-respect de ces engagements devrait être sanctionné, à la suite d’une procédure contradictoire, par une amende administrative dissuasive, qui pourrait être d’un montant maximum de 5 % du chiffre d’affaires réalisé en Nouvelle-Calédonie l’année précédente.

Sur la possibilité pour le GNC de s’opposer à l’ouverture d’un nouveau LBM ou d’un site de LBM (article Lp. 6212-2)

Bien qu’elle n’ait pas été saisie pour avis sur cet article par le congrès, l’Autorité estime qu’elle aurait dû l’être en application de l’article Lp. 462-2 du code de commerce car cette disposition introduit une barrière réglementaire à l’entrée sur les marchés de la biologie médicale.

Sur le fond, l’instruction a permis de constater que le critère retenu par le projet de loi du pays pour fonder la possibilité pour le gouvernement de s’opposer à l’ouverture d’un nouveau LBM ou d’un site de LBM, identique à celui retenu en métropole, n’est pas pertinent et ne sera jamais applicable en Nouvelle-Calédonie. L’Autorité propose donc de supprimer ce critère.

L’Autorité considère que l’apparition d’une nouvelle offre sur un marché est généralement de nature à stimuler la concurrence entre les acteurs présents sur ce marché, qui sont incités à améliorer leur offre et/ou à diminuer leurs prix au bénéfice des consommateurs. Cette analyse est généralement vérifiée lorsque la nouvelle offre émane d’un nouvel opérateur qui entre sur le marché mais elle doit être nuancée si la nouvelle offre est proposée par un opérateur déjà présent sur le marché car il est possible qu’elle puisse produire des effets anticoncurrentiels lorsque le marché est déjà fortement concentré et qu’elle conduit à créer ou renforcer la position dominante de l’opérateur concerné.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les articles Lp. 432-1 et suivants du code de commerce confèrent à l’Autorité la mission de contrôler a priori toute opération d’ouverture, d’extension, de changement d’enseigne ou de secteur d’activités des magasins de détail au-dessus de certains seuils. Le congrès pourrait donc s’inspirer de ce dispositif en l’espèce, même si les particularités du secteur de biologie médicale méritent d’avoir une approche encore plus circonstanciée dans la mesure où la concurrence joue moins sur les prix – qui sont le plus souvent réglementés – que sur la qualité, la diversité, la continuité et la permanence de l’offre de prestations de biologie médicale notamment. Or, l’ouverture d’un nouveau LBM ou d’un nouveau site peut notamment favoriser un meilleur maillage territorial au bénéfice des patients, en particulier dans les zones non pourvues en offre de biologie médicale.

Etant donné les objectifs poursuivis par le gouvernement et compte tenu du degré de concentration déjà élevé sur le marché des prestations de biologie médicale de routine, le congrès pourrait donc restreindre le champ de l’article Lp. 6212-2 en introduisant seulement la possibilité pour le gouvernement de s’opposer aux opérations les plus risquées au regard du risque d’atteinte à la continuité de l’offre de soins, à savoir :  

– la transformation d’un LBM en site de prélèvement, qui peut réduire la diversité de l’offre et la qualité des prestations offertes aux patients dans la zone géographique concernée ;

– l’ouverture d’un LBM, et plus encore l’ouverture d’un ou plusieurs sites de LBM dans une zone géographique déjà pourvue d’une offre de biologie médicale par un opérateur susceptible de réaliser, après l’opération, 50 % ou plus des examens de biologie médicale dans cette zone, hors examens d’anatomo-cyclo pathologie, au regard du nombre d’examens réalisés l’année précédente. Il s’agit ici d’éviter un assèchement potentiel de la concurrence qui pourrait conduire in fine à porter atteinte à la continuité de l’offre de soins. 

Néanmoins, comme dans le cadre du contrôle des opérations d’acquisition, le gouvernement devrait pouvoir autoriser cette opération si l’entreprise à l’origine de l’ouverture du LBM ou du site de LBM propose, en contrepartie, des engagements précis et contraignants de nature à préserver ou améliorer la continuité du service, la permanence de soins et/ou la qualité et la diversité des prestations susceptibles d’être offerts aux patients sur la zone géographique pertinente, dont le non-respect serait sanctionné.