A la suite de sa saisine d'office le 25 janvier 2021, l'Autorité rend aujourd'hui son avis sur le projet de délibération du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (ci-après "le gouvernement") relative aux mandataires de justice et modifiant les livres VI et VIII du code de commerce. Elle formule 10 recommandations.
Pour mémoire, l’Autorité a déjà eu l’occasion d’analyser l’organisation de la profession de mandataire judiciaire en Nouvelle-Calédonie (auparavant mandataire-liquidateur), dans son avis n° 19-A-01 relatif à la demande d’avis de la CPME-NC ainsi que dans son avis n° 19-A-05 sur l’avant-projet de loi du pays de soutien à la croissance de l’économie calédonienne. Elle avait déjà formulé plusieurs recommandations pour favoriser l'ouverture à la concurrence de la profession de mandataire judiciaire, actuellement marquée par un monopole de fait de Maître A., ainsi qu'une révision de ses modalités de rémunération de cette profession pour réduire les coûts à la charge des entreprises et éviter le maintien d'une "rente de situation".
L'Autorité se félicite du fait que le projet de délibération du gouvernement examiné dans le cadre du présent avis s’inscrive dans le prolongement de ses précédentes recommandations et tende à réduire les coûts des procédures collectives et les barrières à l’entrée à la fonction de mandataire judiciaire. Elle formule néanmoins 10 recommandations pour améliorer ce projet afin d'atteindre ces deux objectifs au plus vite.
S’agissant des modalités de rémunération des mandataires de justice
L'article premier du projet de délibération envisage (i) la révision à la baisse du droit fixe lié à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, (ii) le remplacement du droit proportionnel de 5 % en cas de contestations de créances par un barème dégressif et (iii) la révision à la baisse du plafond maximal de rémunération relatif aux créances allouées aux mandataires judiciaires.
L’Autorité regrette que le gouvernement n’ait pas consacré au niveau législatif le principe d’orientation vers les coûts des tarifs des mandataires et que le projet de délibération ne mentionne toujours pas expressément ce principe alors qu’il lui paraît indispensable. L’Autorité estime donc qu’il est important de compléter l’article 1er du projet de délibération en insérant, au sein de la « Section 1 : De la rémunération de l’administrateur judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan, du mandataire judiciaire et du liquidateur », un article liminaire énonçant le principe d’une orientation vers les coûts en s’inspirant de la rédaction des articles L. 444-2 et R.444-5 du code de commerce de l’Etat (recommandation n° 1).
L’Autorité revient également sur la nécessité d’organiser la révision périodique des tarifs en Nouvelle-Calédonie. L’Autorité propose en conséquence de compléter l’article 1er du projet de délibération en insérant une clause de révision périodique des tarifs réglementés selon une fréquence quinquennale (recommandation n° 2).
L'Autorité considère ensuite que a révision à la baisse du droit fixe lié à l’ouverture de la procédure, par le biais d’une rémunération forfaitaire, en fonction du nombre de salariés de l’entreprise, est conforme à ses recommandations précédentes de même que la suppression du droit proportionnel de 5 % alloué aux mandataires judiciaires concernant la contestation des créances.
Toutefois, l’inscription des créances salariales dans l’assiette de rémunération des mandataires en cas de contestation de créances est en contradiction avec le droit métropolitain et les recommandations antérieures de l’Autorité, d’autant qu’aucun élément ni aucune spécificité économique locale ne justifie un tel choix. L’Autorité suggère donc de supprimer les créances salariales de l’assiette de calcul de la rémunération perçue par les mandataires judiciaires en matière de contestation des créances et d’engager une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes pour évaluer selon quelles modalités une affiliation à un fonds de garanties sur les salaires local ou métropolitain serait envisageable pour sécuriser à la fois les salariés des entreprises calédoniennes et limiter les risques de dégradation de l’actif en procédure de liquidation (recommandation n° 3).
Pour éviter le risque de « sur-rémunération » en cas de contestation de créances, l’Autorité propose également de privilégier un droit fixe plutôt que la rémunération proportionnelle dégressive prévue à l’article R. 663-14 du code de commerce, dont le montant exact - hors créances salariales - sera précisé dans l’arrêté à venir (recommandation n° 4).
La révision à la baisse du plafond maximal des droits relatifs aux créances alloués aux mandataires judiciaires à 7 millions F.CFP (contre 12 millions précédemment) s’inscrit, lui aussi, dans le bon sens mais n’apparaît pas vraiment pertinent puisqu’un seul dossier par an dépasse ce seuil. L’Autorité propose donc d’abaisser le plafond en s’inspirant du modèle polynésien qui prévoit un plafond maximal de 2 milllions de F.CFP puisque seule une dizaine d’affaires par an dépasse ce seuil en Nouvelle-Calédonie (recommandation n°5).
Par ailleurs, l’Autorité regrette de n’avoir pu analyser l’arrêté du gouvernement déterminant les barèmes et montants prévus des émoluments des mandataires et invite donc le gouvernement à lui transmettre sans délai le projet d’arrêté fixant les barèmes et les montants précis des émoluments des mandataires de justice, qui devront respecter le principe général d’orientation vers les coûts (recommandation n° 6).
Enfin, l’Autorité constate que l’article 4 du projet de délibération ne prévoit pas une entrée en vigueur rapide de l’arrêté précité, ce qui est de nature à conduire au maintien d’une situation de « rente injustifiée » sans limite. Elle recommande donc de fixer dans la délibération le délai dans lequel l’arrêté d’application devra être adopté qui pourrait être de trois mois, pour une entrée en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie (recommandation n° 7).
S’agissant de l’organisation et du fonctionnement des professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire
Le deuxième article du projet de délibération vient compléter le cadre législatif existant, principalement en établissant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la commission des mandataires, en précisant la procédure d’examen des candidatures à la fonction de mandataires de justice, en établissant le cadre dans lequel un mandataire de justice peut être poursuivi disciplinairement et en fixant les obligations et règles comptables qui s’imposent aux mandataires de justice.
Dans son analyse, l’Autorité insiste sur la nécessité de garantir la transparence, de façon générale, de l’action de la commission des mandataires en prévoyant que ses décisions soient motivées et rendues publiques (recommandation n° 8).
En matière d’examen des candidatures, elle recommande en outre de compléter le code de commerce pour fixer un délai maximal de six mois entre la demande d’inscription des candidats et la décision de nomination ou non par la commission (recommandation n° 9).
Sur les seuils de désignation des administrateurs judiciaires
Ce sujet est nouveau pour l'Autorité. Celle-ci constate que le seuil de désignation des administrateurs judiciaires est supérieur en Nouvelle-Calédonie (seuil de 50 salariés) par rapport à la métropole (seuil de 20 salariés) et ce, sans adéquation avec la réalité du tissu économique calédonien composé essentiellement de TPE et de PME. Afin de promouvoir la poursuite de l'activité de l'entreprise le plus en amont possible, l’Autorité préconise de modifier la délibération n° 352 afin de fixer le seuil de désignation des administrateurs judiciaires à un niveau adapté à la réalité du tissu économique calédonien, qui pourrait être de 20 salariés (recommandation n° 10).