Dans sa décision n°2021-DCC-01 du 22 mars 2021, l’Autorité a autorisé, a posteriori, la prise de contrôle exclusif de la société Medical Equipement par la société Handipharma, réalisée le 6 décembre 2019, sous réserve de la mise en œuvre effective de plusieurs engagements destinés à lever les préoccupations de concurrence soulevées par l’instruction.
Cette décision ne préjuge pas des suites qui pourront être éventuellement données au défaut de notification de cette opération avant sa réalisation, dans le cadre d'une procédure distincte sur le fondement du I de l'article Lp. 431-8 du code de commerce.
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Sur la procédure
La cession des parts de la société Medical Equipement à la société Handipharma a été réalisée le 6 décembre 2019 mais n'a pas fait l'objet d'une notification préalable auprès de l'ACNC. Le 2 octobre 2020, la Rapporteure générale de l'ACNC a adressé un courrier à la société Handipharma pour lui demander les raisons pour lesquelles cette prise de contrôle exclusif de la société Medical Equipement n’avait pas été notifiée, en lui incombant de procéder à cette notification dans les délais les plus rapides si l’absence de notification n’était pas justifiée. Le dossier de notification de l’opération a été adressé à l’Autorité le 6 novembre 2020 et déclaré complet le 10 décembre 2020.
La société Handipharma est détenue majoritairement par la société Office Calédonien de Distribution Pharmaceutique (OCDP) et minoritairement par la société Holmersud, elles-mêmes détenues majoritairement par M. D. Leroux avec d’autres sociétés (ci-après « groupe Leroux »). Au 31 décembre 2018, soit le dernier exercice clos avant la réalisation de l’opération, le groupe Leroux réalisait un chiffre d’affaire en Nouvelle-Calédonie de [confidentiel] milliards F. CFP. La société Médical Equipement, pour sa part, avait réalisé un chiffre d’affaires de 338,5 millions F.CFP à la même date.
Compte tenu des chiffres d’affaires réalisés par les entreprises concernées, le seuil de contrôlabilité mentionné au I de l’article Lp. 431-2 du code de commerce précité était franchi. Cette opération devait donc être soumise aux dispositions des articles Lp.431-1 et suivants du code de commerce applicable en Nouvelle Calédonie, à la date de réalisation de l’opération, soit en l’espèce le 6 décembre 2019.
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Sur les marchés pertinents
L’Autorité a constaté que les deux parties à l’opération sont présentes, en Nouvelle-Calédonie, sur plusieurs segments du marché de la fourniture de matériel médical ainsi que sur les marchés amont de l’approvisionnement. Le groupe Leroux, acquéreur, intervient également sur les marchés connexes de la fourniture de prestations de services de santé non‑respiratoires à domicile et de la répartition pharmaceutique. La définition des marchés pertinents retenus par l'Autorité est conforme à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence française et européenne tout en prenant en compte les spécificités du marché calédonien mises en évidence par le test de marché.
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Sur l’analyse concurrentielle
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Sur les effets horizontaux de l’opération
En l’espèce, le groupe Leroux et la société Médical Equipement sont simultanément présents sur les marchés la fourniture de matériel médical aux professionnels, que sont, d’une part, les hôpitaux, les cliniques et les maisons de retraite et, d’autre part, les pharmacies et prestataires de santé à domicile.
Sur chacun des segments de marché pertinents définis précédemment, il apparaît que le groupe Leroux dispose, à l’issue de l’opération, d’une part de marché comprise entre 5 et 40 % et n’est jamais leader sur aucun de ces marchés de sorte que l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux.
En outre, la part de marché du groupe Leroux reste très marginale sur les marchés de l’approvisionnement de dimension mondiale définis précédemment même après la réalisation de l’opération (< 1 %).
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Sur les effets verticaux de l’opération
En l’espèce, le groupe Leroux et la société Médical Equipement sont présents, en aval, sur les marchés de la vente et location de matériel médical aux particuliers via leurs magasins « Santé Confort » et « Médical Equipement » respectivement et disposent, à l’issue de l’opération, d’une part de marché inférieure à 30 %.
Les parties sont également actives en tant que fournisseurs de matériel médical aux pharmacies qui leur font concurrence sur les marchés de la vente et la location de matériel médical aux particuliers.
Toutefois, sur l’ensemble des marchés de fourniture de matériel médical aux pharmacies, l’incrément de part de marché au bénéfice du groupe Leroux du fait de l’opération est marginal (moins de 4 %) de sorte que le risque de verrouillage du marché de la vente de matériel médical aux particuliers par les intrants a pu être raisonnablement écarté par l'Autorité.
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Sur les effets congloméraux de l’opération
En l’espèce, l’instruction a soulevé des préoccupations de concurrence sur le seul marché connexe de la répartition pharmaceutique sur lequel le groupe Leroux est situation de duopole avec le GPNC, avec respectivement 49 % et 51 % de parts de marché.
En effet, le renforcement de la part de marché de la partie notifiante sur les marchés de la fourniture de matériel médical de maintien à domicile et de dispositifs médicaux consommables aux pharmacies et prestataires de santé à domicile pourrait inciter le groupe Leroux à s’appuyer, par un effet de levier, sur sa forte position sur le marché de la répartition pharmaceutique pour pratiquer des ventes ou remises liées auprès des pharmacies pour des prestations sur ces trois marchés.
Ce risque d’effet congloméral s'avère problématique en particulier à l’égard des concurrents qui ne sont pas présents sur le marché de la répartition pharmaceutique et qui ne disposent que d’une faible part de marché sur les marchés de la fourniture de matériel médical de maintien à domicile aux pharmacies et prestataires de santé à domicile et de la fourniture de dispositifs médicaux consommables aux pharmacies et prestataires de santé à domicile.
Pour lever ces préoccupations de concurrence, la partie notifiante a proposé des engagements.
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Sur les engagements proposés pour lever les risques d’effets congloméraux
Pour remédier aux préoccupations de concurrence soulevées lors de l’instruction, la partie notifiante a proposé trois types d’engagements d’une durée de cinq ans, éventuellement renouvelables une fois, soumis au contrôle d’un mandataire indépendant désigné par l’Autorité :
– Engagement de séparation des activités de vente des sociétés Unipharma et Médical Equipement vis-à-vis de leur clientèle respective de pharmacies et de prestataires de santé à domicile.
– Engagement de s’abstenir de proposer ou d’appliquer des avantages commerciaux et non commerciaux de la part de la société OCDP et ses filiales à l’égard de leur clientèle de pharmacies et de prestataires de santé à domicile, liés lors de la vente de médicaments ou de dispositifs médicaux par Unipharma comme lors de la vente de matériel médical de maintien à domicile par Medical Equipement. Unipharma prend le même engagement lors de la vente de médicaments et de dispositifs médicaux.
– Engagement de la société OCDP et ses filiales de ne pas conditionner la vente de médicaments et/ou de dispositifs médicaux par Unipharma, d’une part, à la vente de matériel médical de maintien à domicile par Medical Equipement, d’autre part, et inversement, à leur clientèle respective de pharmacies et de prestataires de santé à domicile. Unipharma prend également l’engagement de ne pas conditionner la vente de médicament à la vente de dispositifs médicaux, et inversement, à ses clients pharmaciens et prestataires de santé à domicile.
Pour ce faire, la partie notifiante s’engage à ce que les équipes commerciales des sociétés Unipharma et Médical Equipement conduisent de manière indépendante et séparée leur négociation commerciale auprès de leur clientèle respective, et ce, sans partage de données commerciales entre elles.
Ces équipes seront en outre sensibilisées à la nécessité de respecter cet engagement en toutes circonstances, sous peine de sanction, par la communication d’un courriel dans un délai de 10 jours à compter de la date d’effet de la présente décision.
De plus, la société OCDP et ses filiales s’engagent à communiquer à leurs clients les modalités résultant des Engagements par courriers ou courriels, mis à disposition du mandataire.
L’Autorité a considéré que les engagements proposés par la partie notifiante sont clairs, précis, et suffisants pour écarter le risque d’effets congloméraux identifié, et qu’ils ne soulèvent pas de doute quant à leur mise en œuvre.