Aux termes de la décision n°2019-PAC-01, l’Autorité de la concurrence rejette la saisine au fond de la société Soseril pour défaut d’éléments suffisamment probants.
La société Soseril, créée à Nouméa le 1er mai 2012 avec pour objet principal « la vente de billets de transports aériens, terrestres et maritimes », a développé, depuis le 3 juillet 2015, une activité d’assistance en escale, sur les aérodromes des îles Loyauté au bénéfice d’un seul client, la société Air Loyauté, en vertu d’une convention d’un an renouvelée le 28 juin 2016.
Compte tenu de nombreuses difficultés d’exécution rencontrées par la société Soseril en 2016, la société Air Loyauté a augmenté les pénalités applicables dans la convention du 28 juin 2016 et les a appliquées. Considérant que les conditions financières n’étaient pas suffisantes pour assurer ses charges, la société Soseril a dénoncé cette convention le 20 octobre 2016. La société Air Loyauté a donc lancé un appel d’offres privé le 15 décembre 2016 auquel ont répondu la société Soseril et la société Loyalty Tours. L’offre de la société Loyalty Tours, mieux notée sur le plan qualitatif comme sur le plan financier (13 % supérieure aux conditions financières pratiquées en 2015-2016 mais 3,5 fois moins chère que l’offre présentée par la société Soseril lors de l’appel d’offres), a été retenue. Cela a conduit la société Soseril à former un recours devant le tribunal administratif pour en obtenir l’annulation (rejet) puis un recours devant l’Autorité.
En premier lieu, la société Soseril considère dans sa saisine que l’offre de la société Loyalty Tours était constitutive d’une pratique de prix abusivement bas au sens de l’article Lp. 421-5 du code de commerce. Si cet article prohibe bien les pratiques de prix abusivement bas, dans sa rédaction applicable à la date de la saisine, encore faut-il démontrer la réunion de trois critères cumulatifs : un prix de vente au consommateur (1) insuffisant au regard des coûts de production, de transformation ou de commercialisation (2) traduisant une volonté d’éviction d’un concurrent ou d’un produit concurrent (3). En l’espèce, l’Autorité a constaté que la société Air Loyauté ne pouvait être assimilée à un consommateur et a rejeté ce premier moyen.
En deuxième lieu, l’Autorité a rejeté l’allégation d’une éventuelle entente entre les sociétés Air Loyauté, Loyalty Tours et Sodil, prohibée par l’article Lp. 421-1 du code de commerce, en rappelant qu’une entente anticoncurrentielle est nécessairement le fait d’entités économiques commercialement autonomes, ce qui est présumé exclu par la jurisprudence lorsque ces entités appartiennent à un même groupe. Or, en l’espèce, la Sodil détient la totalité du capital des sociétés Air Loyauté et Loyalty Tours et dispose du pouvoir de décision avec chacun des dirigeants concernés de sorte que ces deux filiales ne sont pas autonomes.
En troisième et dernier lieu, l’Autorité a rejeté le moyen fondé sur un éventuel abus de position dominante de la part des entreprises mises en cause du fait d’une pratique de prix prédateur ou d’une pratique d’éviction par les prix, prohibée par l’article Lp. 421-2 du code de commerce.
L’Autorité rappelle que la pratique des prix prédateurs vise à évincer des concurrents par une pratique de prix bas, en supportant délibérément des pertes ou en renonçant provisoirement à des bénéfices, suivant une logique de récupération à plus long terme. Elle souligne également que des pratiques fondées sur les prix qui, à la différence des prix prédateurs, ne s’inscrivent pas dans une logique de sacrifice à court terme, mais tendent néanmoins à évincer un concurrent ou à entraver artificiellement l’accès au marché des concurrents sont également susceptibles de constituer un abus de position dominante. Pour démontrer ces pratiques, les juridictions françaises ont traditionnellement recours à un test de coût.
En l’espèce, la société Loyalty Tours était nouvellement présente sur le marché de l’assistance en escale en 2017 et ne pouvait donc se trouver en situation de position dominante sur ce marché ni commettre un abus. De plus, quand bien même la société Air Loyauté pourrait être considérée en position dominante sur le marché de la desserte aérienne inter-îles Loyauté, aucun élément du dossier n’a permis d’établir qu’elle, ou le groupe auquel elle appartient, ait mis en œuvre des pratiques tarifaires abusives ayant pour objet ou pour effet d’évincer la société Soseril sur le marché connexe de l’assistance en escale au regard des critères retenus par la jurisprudence.
D’une part, l’historique des relations commerciales entre les deux entreprises montre que la société Air Loyauté a privilégié l’exécution du service d’assistance en escale par l’intermédiaire de la société Soseril par deux fois alors qu’elle aurait pu décider d’internaliser la prestation ou de choisir un autre partenaire économique comme la société Loyalty Tours et qu’elle n’a pas pris l’initiative de rompre leur relation commerciale.
D’autre part, aucun élément du dossier ne permet de confirmer que la société Loyalty Tours ait proposé une offre financière anormalement basse qui se serait inscrite dans une stratégie d’éviction de ses concurrents de nature à caractériser une pratique de prix prédateur ou d’éviction tarifaire au regard des critères retenus par la jurisprudence française.