L’Autorité considère que les modifications de la délibération n° 173 du 29 mars 2006 relative à la structure des prix de l’essence et du gazole proposées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont positives en ce qu’elles fixent désormais un cadre réglementaire pour la détermination du mode de calcul des variables de péréquation prises en compte dans la formation du prix de vente maximum au détail de l’essence et du gazole et qu’elles visent à inciter les opérateurs pétroliers à abaisser les coûts du transport du carburant sur la Grande Terre et, dans une moindre mesure, vers les îles.
Ce projet de délibération, comme le projet d’arrêté qui l’accompagne n’implique pas de modification des équilibres concurrentiels actuels et poursuit un objectif de péréquation pour gommer les écarts de prix qui pourraient résulter de l’éloignement géographique des consommateurs.
Néanmoins, ces projets de texte pourraient être améliorés de façon substantielle pour favoriser le fonctionnement de la concurrence sur les marchés concernés au bénéfice des consommateurs. L’Autorité formule donc 7 recommandations.
- L’inclusion des volumes du marché non régulé (ventes aux industriels) dans le calcul des variables de péréquation se traduit par un surcoût égal à 1,7 francs par litre de gazole vendu au consommateur pour subventionner le transport du gazole vers les industriels du Nord et des îles. Compte tenu des volumes annuels consommés, ce dispositif représente un surcoût global de 214 millions de francs CFP en 2019 au détriment des consommateurs.
L’Autorité propose donc de modifier la règle de calcul afin d’assurer une péréquation tarifaire entre les consommateurs sur l’ensemble du territoire uniquement. De cette manière, le prix maximum à la pompe du gazole pourrait diminuer de 1,7 franc par litre (recommandation n°1).
Si le gouvernement entend poursuivre un objectif de rééquilibrage en faveur des industriels du Nord et des îles, il pourrait introduire un dispositif de péréquation spécifique en définissant des variables de péréquation du transport de l’essence et du gazole en fonction des volumes effectivement vendus sur ce marché, afin que tous les industriels paient le même coût de transport quelle que soit leur implantation sans impacter négativement les consommateurs (recommandation n°2).
- L’Autorité estime que la référence aux coûts modélisés dans le cadre du dispositif de péréquation est positive car elle incite davantage les opérateurs pétroliers à modérer leurs coûts. En effet, ils peuvent espérer un surplus de rémunération en contenant leurs coûts propres en deçà du coût modélisé et récupérer la différence. Ce dispositif vertueux étant prévu pour l’acheminement des carburants sur la Grande Terre, l’Autorité recommande de l’étendre à l’acheminement vers les îles en modifiant en conséquence l’article 7 du projet d’arrêté qui continue de faire référence aux coûts réels des opérateurs et divise par 4 l’incitation à réduire ses coûts (recommandation n°3).
En outre, compte tenu de la baisse attendue de la consommation de carburants dans les îles grâce au développement rapide des énergies renouvelables, une révision régulière des valeurs des paramètres retenus dans le calcul du coût de transport des carburants vers les îles devrait être prévue (recommandation n°5).
- Dans la mesure où le cadre réglementaire en vigueur est peu contraignant et susceptible d’offrir un avantage concurrentiel aux opérateurs pétroliers qui rogneraient sur les coûts liés à la sécurité des transports, l’Autorité recommande d’instaurer un référentiel de normes obligatoires relatives au transport de matières dangereuses qui permette de s’assurer d’une saine concurrence entre les trois opérateurs pétroliers sur la composante « sécurité » du prix du transport des carburants (recommandation n°4).
- L’Autorité invite de nouveau le gouvernement à s’engager vers une réforme visant à libéraliser les prix sur le marché de la vente au détail des carburants car elle est compatible avec le maintien d’un système de péréquation des coûts de transport sur l’ensemble du territoire. Conjuguer ces deux options permettrait de ne pas pénaliser les consommateurs du Nord et des îles par rapport à ceux installés au plus près des dépôts de stockage des pétroliers tout en favorisant la concurrence entre les stations-services au bénéfice des consommateurs (recommandation n°6).
Une telle réforme pourrait s’accompagner, dans un premier temps, de la mise en place d’un système de liberté surveillée sur l’ensemble du territoire, et si nécessaire, de l’application d’un prix maximum dans les seules zones géographiques où la distribution de carburant n’est assurée que par une seule station-service en situation de monopole (comme à Ouvéa, Maré ou l’île des Pins par exemple).
- En dernier lieu, l’Autorité rappelle que le numerus clausus en vigueur dans le grand Nouméa est une barrière à l’entrée injustifiée sur le marché et que son maintien est aujourd’hui susceptible de créer une nouvelle distorsion de concurrence entre les opérateurs qui respectent ou non cette règle. Elle réitère donc sa recommandation déjà formulée en 2018 visant à abroger ce dispositif dans les meilleurs délais (recommandation n 7).