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Avis sur la proposition de loi du pays interdisant l'importation et la distribution de certains écrans solaires contenant des perturbateurs endocriniens

Crème solaire

L’Autorité estime que cette proposition de loi du pays poursuit des objectifs d’intérêt général et ne devrait pas, en l’état, avoir d’impact significatif sur le fonctionnement concurrentiel des marchés concernés ni d’effet inflationniste sur les écrans solaires autorisés à l’avenir. Elle n’a donc formulé aucune recommandation.

Cette proposition de loi du pays s’inscrit dans le cadre du mouvement mondial de sauvegarde des écosystèmes coralliens, qui trouve un écho particulier en Nouvelle-Calédonie, dont le territoire possède « un des trois systèmes récifaux les plus vastes du monde » selon l’Unesco. 

Elle vise à interdire l’importation d’écrans corporels solaires contenant des filtres chimiques considérés comme des perturbateurs endocriniens, en particulier l’oxybenzone et l’octinoxate, à compter du 1er juin 2020 et la mise sur le marché de ces produits à compter du 1er janvier 2021, en raison de la reconnaissance par la communauté scientifique de leur caractère nocif pour les coraux et pour le système endocrinien humain. Le non-respect de ces interdictions est passible, après mise en demeure de cesser la pratique, d’une amende administrative d’un montant maximal de deux millions F.CFP prononcée par arrêté du gouvernement.  

Dans la mesure où le texte envisagé crée des restrictions quantitatives, l’Autorité confirme que le congrès était tenu de la saisir pour avis sur le fondement de l’article Lp. 462-2 du code de commerce. L’Autorité considère tout d’abord que cette proposition de loi du pays est susceptible de limiter la liberté d’entreprendre des fabricants, des importateurs et des distributeurs d’écrans corporels solaires en Nouvelle-Calédonie. 

Toutefois, l’Autorité constate que ce texte n’introduit aucune discrimination entre opérateurs locaux et étrangers, tous soumis aux mêmes interdictions, et que les restrictions quantitatives envisagées sont fondées sur des motifs de protection de l’environnement et de santé publique. Or, il ressort d’une jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel que le législateur calédonien peut limiter la liberté d’entreprendre, d’où découle la libre concurrence, pour des motifs d’intérêt général si l’atteinte portée à ces principes s’avère adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis. 

L’Autorité doit donc évaluer les effets potentiels de la proposition de loi du pays sur le jeu de la concurrence et vérifier, le cas échéant, s’il n’existe pas de méthode moins restrictive de concurrence pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis. 

S’agissant des marchés concernés, l’instruction a permis de montrer que les écrans corporels solaires contenant un filtre chimique ou un filtre minéral sont substituables et appartiennent donc au même marché.

S’il n’a pas été possible d’évaluer précisément la valeur du marché de la distribution des écrans solaires en Nouvelle-Calédonie, il semble que les ventes au détail d’écrans corporels solaires sont réparties équitablement entre ceux à filtre chimique et ceux à filtre minéral. Une segmentation du marché est en revanche envisageable selon la catégorie d’utilisateurs (adultes / enfants) et selon le circuit de commercialisation (distribution au détail en GMS et commerces de proximité / distribution en pharmacie ou commerces spécialisés).  

Or, l’instruction a permis de constater que les marques les plus distribuées en Nouvelle-Calédonie ne contiennent pas d’oxybenzone et/ou d’octinoxate. Seulement 25 à 30 % des écrans corporels solaires à filtres chimiques commercialisés par 6 marques sur les 18 marques recensées lors du relevé de prix réalisé le 9 octobre 2019, contiendraient des substances prohibées. Cette proportion est bien moindre concernant les écrans solaires dédiés aux enfants, qui sont très faiblement impactés (1 référence). En outre, chacun des six fabricants dont les produits contiennent les substances interdites produisent déjà d’autres produits substituables à filtre chimique ou minéral autorisés. L’Autorité en conclut que les fabricants des marques concernées pourront choisir de distribuer d’autres produits substituables de leur gamme en Nouvelle-Calédonie. Les importateurs-grossistes auront également la possibilité de les solliciter pour distribuer des produits autorisés de même marque.  

L’Autorité souligne également que l’interdiction des écrans solaires à filtre chimique contenant des perturbateurs endocriniens pourrait dynamiser les ventes des autres catégories d’écrans solaires, en particulier ceux à filtre minéral et favoriser l’entrée sur le marché de nouveaux fabricants locaux identifiés prêts à proposer de nouveaux produits plus respectueux de l’environnement et de la santé. 

L’Autorité considère donc que le risque d’augmentation des prix des écrans corporels solaires en Nouvelle-Calédonie du fait d’une réduction drastique de l’offre doit être écarté. De plus, s’il est vrai que les deux produits actuellement les moins chers du marché seront désormais prohibés, l’Autorité observe qu’il existe de nombreux produits substituables dans cette gamme de prix et que l’élargissement de l’offre d’écrans corporels solaires à filtre minéral pourrait conduire à baisser le prix de cette gamme de produits à l’avenir.