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Avis n° 2019-A-05 sur le projet de loi du pays de soutien à la croissance de l'économie calédonienne

GNC

L’Autorité rend son avis sur les articles de l'avant-projet de loi du pays modifiant la réglementation des prix (articles 42-43) ou ayant une incidence directe sur le fonctionnement concurrentiel d’un marché (article 17 relatif à la profession de mandataire judiciaire) ou relatifs à l’exercice des missions de l’Autorité (articles 49 à 53).

Voir le résumé complet et l'avis de l'Autorité en pièce jointe.

La consécration juridique du « Bouclier-Qualité-Prix » (BQP), nouveau dispositif de réglementation des prix

L’article 42 de l’avant-projet de loi du pays introduit le dispositif du « bouclier-qualité-prix » (ci-après « BQP »), à l’article Lp. 411-2-1 du code de commerce, sur le modèle du dispositif créé par la « loi Lurel » et appliqué à partir de 2013 dans les collectivités d’outre-mer (voir l’annexe 1 du présent avis).

Le BQP repose sur une négociation annuelle entre le gouvernement et les principaux acteurs de la chaîne de la production à la distribution, pour déterminer le montant maximal d’un panier global de produits de première nécessité ou de grande consommation répondant à certains critères de qualité, dont le nombre est adapté en fonction de la taille des magasins qui les vendent, tout en leur laissant la liberté de fixer le prix de chaque produit au sein du panier.  

L’Autorité considère que, dans le contexte de sortie du dispositif de plafonnement généralisé des marges au 1er octobre 2019 et compte tenu de la problématique de vie chère observée en Nouvelle-Calédonie en raison de plusieurs facteurs, les articles 42 et 43 de l’avant-projet de loi du pays portent une atteinte limitée, adaptée et proportionnée à la liberté d’entreprendre des opérateurs engagés dans le processus de négociation du BQP, en particulier celle des distributeurs, pour éviter un ressaut d’inflation et protéger les consommateurs.

Il ressort de l’analyse concurrentielle du dispositif que la réintroduction de la liberté dans la fixation des prix de chaque produit du BQP pourvu que l’ensemble respecte le plafond maximal réglementaire devrait permettre d’écarter le risque d’alignement à la hausse des prix du panier (« effet taquet ») de même que le risque d’homogénéisation des prix des produits du panier par les distributeurs, d’autant que les produits du BQP demeurent soumis à la concurrence par les prix des produits substituables n’entrant pas dans le BQP. L’obligation pour le distributeur de s’assurer de la disponibilité des produits devrait également conduire à écarter les risques d’indisponibilité (« effet d’éviction ») ou de réduction de la qualité (« effet de dégradation ») des produits proposés. Le risque d’effet de contournement du dispositif devrait également pouvoir être écarté si la liste des produits inclus dans le BQP est claire et précise.

Il reste en revanche possible que les efforts réalisés par les distributeurs pour abaisser les prix des produits du BQP se traduisent par un report de marge sur d’autres produits non inclus dans le BQP (« effet de rattrapage ») conduisant à une augmentation des prix de ces autres produits. Néanmoins, l’Autorité rappelle aux opérateurs ayant une puissance de marché importante qu’elle pourrait, le cas échéant, engager une procédure d’injonction structurelle au sens de l’article Lp. 422-1 du code de commerce, si elle constate de leur part une dérive des prix ou des marges en comparaison des moyennes habituellement constatées, quel que soit le type de produit considéré.

L’instruction du présent avis a par ailleurs montré que l’introduction du BQP « sec » a favorisé le jeu de la concurrence entre les distributeurs depuis sa mise en place au 1er octobre 2019 et les a conduits à baisser significativement leurs prix par rapport au plafond réglementaire même s’il est trop tôt pour en tirer une tendance de long terme (- 15 % à - 21 % selon la taille des enseignes, l’effort le plus important ayant été constaté dans les supermarchés de 1000 à 2000 m²). L’instruction a également confirmé une augmentation des volumes de vente des produits inclus dans le BQP « sec » au mois d’octobre démontrant l’intérêt des consommateurs pour le dispositif.

S’agissant du panier « frais » introduit le 1er novembre, le manque de recul est encore plus évident. Toutefois, l’Autorité constate également que le prix du BQP est inférieur au prix plafond (jusqu’à – 36 % sur les fruits et légumes et – 25 % sur la viande et le poisson) mais elle considère que cela ne résulte pas forcément d’effort réel sur les prix. Ainsi, la valeur du panier frais est, en effet, toutes choses égales par ailleurs, directement proportionnelle à sa composition. En l’espèce, si les distributeurs sélectionnent principalement des fruits et légumes parmi les moins chers (courgette, concombre, chou, aubergine, pomme) ou des produits carnés de basse catégorie, l’effort de prix que suppose la mise en œuvre du BQP « frais » est inévitablement diminué.

L’Autorité en conclut que les distributeurs jouent le jeu de concurrence par les prix mais qu’il existe également une marge de négociation pour une démarche plus ambitieuse en 2020, qui devra tenir compte des critiques d’ores et déjà émises par le marché tant sur le processus de négociation, le champ 7 d’application du BQP, la composition et le rapport qualité/prix de chaque BQP ainsi que le manque de visibilité et de compréhension du dispositif pour les consommateurs.

Les 9 recommandations de l’Autorité

9 recommandations sur le BQP

La réforme de la profession de mandataire judiciaire, un processus inachevé pour lever les barrières à l’entrée et le risque de rente injustifié

Le dispositif proposé L’article 17 de l’avant-projet de loi du pays propose de modifier le Titre 1er du livre VIII du code de commerce intitulé : « De certaines professions règlementées » pour codifier et unifier le statut des administrateurs et des mandataires liquidateurs, désormais nommés mandataires judiciaires, au sein des « mandataires de justice ».

Si l’Autorité se félicite du fait que cette réforme consacre désormais juridiquement la pratique de la nomination de mandataires « hors liste » par le tribunal mixte de commerce sur des dossiers ponctuels supprimant ainsi le monopole légal du mandataire judiciaire conformément à la recommandation n° 5 formulée dans son avis n° 2019-A-01 précité, elle considère en revanche qu’elle ne simplifie pas suffisamment l’accès à la fonction de mandataire judiciaire de plein exercice pour garantir la fin du monopole de fait actuel et n’encadre pas suffisamment la révision des tarifs réglementés pour écarter tout risque de phénomène de rente.

En premier lieu, l’Autorité estime en effet que la réforme proposée ne lève pas suffisamment les barrières à l’entrée à la fonction de mandataire judiciaire car :

  • les conditions d’accès à la fonction de mandataire judiciaire par la voie professionnelle et la voie diplômante ne sont pas simplifiées malgré les recommandations en ce sens de l’Autorité pour lever les barrières à l’entrée sur le marché des prestations de services réalisées par cette profession réglementée ;
  •  
  • la fin du monopole de fait du mandataire judicaire n’est pas garantie par la loi alors que ses effets néfastes sur la mise en œuvre des procédures collectives en Nouvelle-Calédonie ont été démontrés par l’Autorité dans son précédent avis ;
  •  
  • la nouvelle composition de la commission des mandataires de justice n’améliore pas les garanties d’impartialité de ses membres alors que la procédure de sélection des candidats à la fonction de mandataire judiciaire n’est pas précisée ni rendue transparente.

En second lieu, l’Autorité salue le fait que, selon le commissaire du gouvernement, une réflexion sur le niveau des tarifs des prestations des mandataires judiciaires soit engagée pour tenir compte des recommandations de l’Autorité à l’occasion de l’adoption d’une future délibération fixant les modalités de rémunération des mandataires de justice. Elle regrette néanmoins que l’avant-projet de loi du pays ne fixe pas les principes devant guider la révision des tarifs réglementés pour lever tout risque de rente injustifiée alors qu’elle a démontré le niveau particulièrement élevé de ces tarifs par rapport à ceux pratiqués en métropole et en Polynésie Française.

Les 5 recommandations de l’Autorité

5 recommandations mandataire judiciaires

L’amélioration des procédures devant l’Autorité de la concurrence simplifie les démarches des entreprises et facilite le travail de l’Autorité

L’Autorité se félicite du fait que le gouvernement propose de mettre en œuvre plusieurs de ses recommandations précédentes que sont :

  • le relèvement des seuils de déclenchement du contrôle des opérations de concentration et des opérations dans le secteur du commerce de détail pour simplifier les démarches des entreprises et permettre à l’Autorité de se concentrer sur les opérations les plus sensibles (articles 49 et 50).

Ainsi, seules les opérations de concentration entre deux ou plusieurs entreprises réalisant ensemble, en Nouvelle-Calédonie, un chiffre d’affaire égal ou supérieur à 1,2 milliard de F. CFP (contre 600 millions de F.CFP actuellement) et un chiffre d’affaires individuel égal ou supérieur à 200 millions F.CFP seront notifiées et contrôlables par l’Autorité, étant précisé que l’opération concernée doit en tout état de cause avoir un effet sur le marché calédonien.

De plus, en matière d’opérations dans le commerce de détail, le seuil de notification et de déclenchement du contrôle passe de 350 à 600 m² sauf pour les entreprises disposant déjà de 25 % ou plus de part de marché dans la zone de chalandise concernée et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 600 millions de F.CFP, pour éviter le risque de contournement.

  • l’augmentation du plafond de sanctions pécuniaires à 5 % du chiffre d’affaires mondial en cas de pratiques anticoncurrentielles qui rétablit une équité entre les entreprises calédoniennes et les entreprises extérieures à la Nouvelle-Calédonie et qui s’avère plus dissuasive (articles 51 et 53) ;
  • l’élargissement du nombre de membres du collège de l’Autorité de 4 à 5 grâce à la nomination d’un nouveau membre non-permanent qui facilitera l’organisation des séances de l’Autorité à budget constant (article 52).

Les 2 recommandations complémentaires de l’Autorité

2 recommandations complémentaires de l’Autorité