Aux termes de la présente décision, l’Autorité sanctionne les sociétés Médi-Services, Medline, Thermo Fisher Diagnostics, Medicrea International SAS, Sebia SA et Baxter SAS pour des pratiques d’exclusivité d’importation entre fournisseurs et distributeur mises en œuvre dans le secteur des dispositifs médicaux en Nouvelle-Calédonie.
L’Autorité confirme dans cette décision que les accords exclusifs d’importation mis en œuvre en contravention de l’article Lp. 421-2-1 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, constituent une infraction per se, "qui révèlent une pratique concertée entre le fournisseur et le distributeur ayant pour objet de verrouiller artificiellement le marché, dont la qualification est indépendante de leur effet sur le marché."
L’Autorité a constaté qu’aucun des fournisseurs mis en cause n’a contesté l’existence des griefs notifiés ni le caractère anticoncurrentiel des accords exclusifs d’importation conclus au bénéfice de la société Médi-Services. En conséquence, le plafond maximal de la sanction pécuniaire encourue, à l’époque de la saisine, a été divisé par deux pour atteindre 2,5 % du chiffre d’affaires le plus élevé réalisé en Nouvelle-Calédonie pendant la période des pratiques.
A l’inverse, la société Médi-Services, distributeur, a choisi de contester les cinq griefs qui lui ont été notifiés, considérant que les pratiques d’exclusivité d’importation dans ce secteur méritaient d’être exemptées de sanction en application du 2 du I de l’article Lp. 421-4 du code de commerce.
A cet égard, l’Autorité rappelle que la démonstration des conditions d’exemption prévues à cet article revient à l’entreprise mise en cause. En l’espèce, s’il est exact que le recours au circuit intermédié puisse contribuer au progrès économique à travers l’ensemble des services rendus par les grossistes-importateurs, la société Médi-Services n’a pas pu démontrer que le recours à un seul grossiste-importateur, à travers un contrat d’exclusivité d’importation conduisant à interdire tout autre grossiste-importateur local à distribuer les produits du fournisseur concerné, était indispensable du point de vue des fournisseurs comme des utilisateurs finaux ni qu’il avait permis d’obtenir des prix plus bas que si la concurrence entre les grossistes locaux n’avait pas été entravée.
Par ailleurs, l’Autorité souligne que le service d’instruction n’ayant notifié aucun grief d’entente anticoncurrentielle, sur le fondement de l’article Lp. 421-1 du code de commerce, au titre des clauses d’approvisionnement exclusif et de non-concurrence constatées dans les contrats, elle n’a pas pu se prononcer sur leur objet ou effet potentiellement anticoncurrentiel. Elle a en revanche tenu compte des engagements proposés par certains fournisseurs visant à supprimer ces clauses pour dynamiser la concurrence inter-marques au stade de l’appréciation du montant des sanctions pécuniaires.
L’Autorité a également pris en considération les caractéristiques de l’infraction et les spécificités du marché concerné pour le prononcé des sanctions.
Ainsi, la pratique d’exclusivité d’importation doit être considérée comme étant de moindre gravité que des pratiques d’ententes ou d’abus de position dominante conformément à une jurisprudence constante. Pour autant, l’Autorité souligne que les pratiques qui interviennent sur des marchés concernant la santé publique doivent être considérées comme graves. A cet égard, l’Autorité a rejeté l’argument des parties selon lequel la pratique ne serait pas grave et ne causerait aucun dommage à l’économie au motif que les dispositifs médicaux sont remboursés par l’assurance-maladie. Elle a au contraire considéré que le coût des dispositifs médicaux pèse in fine sur l’équilibre du RUAMM et sont supportés par l’ensemble des contribuables calédoniens, ce qui l’a conduit à considérer que les accords exclusifs d’importation en cause constituaient une pratique grave.
S’agissant du dommage causé à l’économie calédonienne, l’Autorité a constaté que la société Médi-Services bénéficie toujours d’une l’exclusivité de fait depuis la modification des clauses litigieuses dans certains contrats. Cette situation peut s’expliquer par le caractère récent de la fin des exclusivités contractuelles, la technicité des produits commercialisés ainsi que par les caractéristiques du marché en cause, plutôt que par une pratique concertée entre les parties. L’Autorité en a conclu que le dommage à l’économie résultant d’accords d’exclusivité d’importation parallèles au bénéfice de la société Medi-Services est avéré mais est demeuré néanmoins contenu.
S’agissant de l’individualisation de la sanction, l’Autorité a considéré que la circonstance que les sociétés Medline International France, Thermo Fisher Diagnostic et Baxter SAS appartiennent chacune à un groupe de dimension internationale était sans influence sur l’individualisation de la sanction pécuniaire qui leur était infligée et ne pouvait donc être prise en compte pour déterminer son quantum puisque cette situation ne semble pas avoir joué un rôle dans la mise en œuvre de la pratique qui leur est imputée.
L’Autorité a également tenu compte du fait que la société Médi-Services est une entreprise de taille moyenne mais qu’elle est aussi le deuxième grossiste-importateur le plus important en termes de chiffre d’affaires réalisé dans le secteur de la commercialisation de dispositifs médicaux en Nouvelle-Calédonie. Elle a bénéficié d’une superposition de cinq accords exclusifs d’importation lui conférant une position monopolistique sur les marques des produits concernés, lesquels ne disposaient pas toujours de produits concurrents. Elle s’est d’ailleurs présentée comme le distributeur exclusif de nombreuses marques à l’égard du Centre Hospitalier Territorial.
Néanmoins, à titre de circonstances atténuantes, l’Autorité a retenu que la société Medi-Services dispose d’un faible pouvoir de négociation vis-à-vis de ses fournisseurs et qu’elle a entamé une démarche de mise en conformité spontanée. Ceci est notamment démontré par le fait qu’elle a demandé à plusieurs fournisseurs de supprimer la clause d’exclusivité d’importation litigieuse après sa première audition par le service d’instruction même si elle n’a pas toujours été entendue par ses fournisseurs.
S’agissant des différents fournisseurs, 4 d’entre eux ont demandé le bénéfice de la procédure de non-contestation des griefs en présentant des engagements pour l’avenir, dont la portée aux fins du rétablissement de la concurrence intramarque et intermarque est variable selon les fournisseurs. L’Autorité en a tenu compte pour accorder une réfaction de sanction de -5 à -30% selon les cas.
Au terme de son analyse, compte tenu des chiffres d’affaires de chacune des entreprises mises en cause et de l’ensemble des éléments du dossier, l’Autorité a infligé une sanction de 47 425 000 F.CFP à la société Médi-Services, une sanction de 1 123 154 F.CFP à la société Medline International France, une sanction de 517 251 F.CFP à la société Thermo Fisher Diagnostic, une sanction de 359 391 F.CFP à la société Medicrea International SAS, une sanction de 584 631 F.CFP à la société Sebia SA et une sanction de 4 718 661 F.CFP à la société Baxter SAS.
De plus, afin d’informer l’ensemble des opérateurs susceptibles d’intervenir sur le marché des dispositifs médicaux en Nouvelle-Calédonie, l’Autorité a ordonné aux sociétés mises en cause de publier un résumé de la présente décision sur la page d’accueil de leur site internet pendant un mois à compter de sa notification, afin de rappeler à tous l’interdiction des accords exclusifs d’importation sur le territoire.