L'Autorité publie aujourd'hui son avis n° 2018-A-06 relatif à la modification de la structure du prix de l'essence et du gazole proposée par le gouvernement.
Les secteurs de l’importation et de la distribution de carburants en Nouvelle-Calédonie sont marqués par la présence de trois opérateurs pétroliers concurrents malgré l’étroitesse du marché (332.000 m3 consommés par an). Total Pacifique SAS, Mobil et la société SSP s’approvisionnent en carburants de manière indépendante à Singapour et en Corée du Sud et disposent d’entrepôts de stockage principalement à Ducos. Le réseau de distribution du carburant s’étend sur l’ensemble de la grande terre et dans les îles Loyauté avec 101 stations-services, dont 60 en province Sud. Actuellement, 45 % des stations-services sont en location-gérance et 55 % sont gérées par des indépendants. Elles emploient 1900 salariés. L’acheminement du carburant sur le territoire se fait exclusivement par camions tandis que vers les îles le transport est effectué par bateaux affrétés par la société SSP pour le compte des autres sociétés pétrolières, en faisant appel à des sous-traitants.
Le secteur est fortement régulé. Sur le plan environnemental, les sociétés pétrolières sont tenues d’importer une certaine qualité de carburants et doivent mettre aux normes ICPE leurs infrastructures (cuves de stockage et de carburants à double enveloppe), sous le contrôle des provinces. En vertu d’une règlementation nationale, elles doivent également constituer des stocks stratégiques correspondant à 20 % de leurs parts de marché (73 jours de stocks) sous peine de sanction. Or, l’instruction a montré que seule la société Mobil respectait ces obligations et que les sanctions en vigueur n’étaient pas mises en oeuvre à l’encontre des deux autres sociétés, créant un déséquilibre concurrentiel entre les acteurs.
Sur le plan commercial, la province Sud a mis en place un numerus clausus en 1996 interdisant l’ouverture de nouvelles stations-services sauf à en fermer une autre, qui a été limitée en 2016 à la zone du grand Nouméa. L’Autorité s’interroge sur la justification de cette barrière à l’entrée et recommande au gouvernement d’attirer l’attention du président de la province Sud sur le caractère anticoncurrentiel de cette règlementation pour l’inviter à la supprimer (recommandation n°1).
Le mode de formation des prix est également réglementé par la délibération modifiée n°173 du 29 mars 2006 relative à la structure des prix de l’essence et du gazole. La fixation du prix est libre sur les marchés de la vente de carburants aux industriels ». En revanche, sur le marché de la distribution au détail de carburants, il existe depuis toujours un prix maximum de vente aux consommateurs sur l’ensemble du territoire calédonien. En pratique, l’instruction a montré que cette réglementation qui laisse – en principe – la possibilité d’une concurrence par les prix entre les stations-services à un niveau inférieur au prix maximum, est détournée. En effet, le prix maximum est considéré par tous comme un « prix plancher ». Il n’y a d’ailleurs aucun affichage des prix à l’entrée des stations-services puisque le prix est – en pratique – le même partout. Pour favoriser l’animation concurrentielle dans les zones de chalandise où il existe plusieurs stations-services, l’Autorité recommande donc au gouvernement d’imposer aux sociétés pétrolières d’instaurer un « totem » affichant les prix dans toutes leurs stations (recommandation n° 3).
Saisie pour avis sur le projet de délibération modifiant la structure des prix de l’essence et du gazole, l’Autorité a constaté que le gouvernement n’entendait pas remettre en cause, à ce stade, le principe de la règlementation des prix de vente au détail mais qu’il souhaite améliorer les paramètres de calcul des différents postes de coût actuellement retenu.
Compte tenu du délai d’un mois laissé à l’Autorité pour rendre son avis, cette dernière s’est donc principalement attachée à analyser le projet de délibération présenté par le gouvernement au regard de son impact sur le mode de fixation des prix et la concurrence.
Pour résumer, l’Autorité considère que les modifications proposées par le gouvernement sont positives en ce qu’elles permettent d’accroître la transparence dans la formation du poste « prix CAF » à partir de cotations internationales ou de données objectives et extérieures aux sociétés pétrolières. Elle recommande au gouvernement de préciser, dans le projet d’arrêté, les indices de référence retenus et de s’assurer qu’ils soient représentatifs de la réalité des marchés concernés (recommandation n° 5).
S’agissant des autres postes composant les prix maxima de vente en gros et au détail des carburants, l’Autorité regrette de n’avoir pu disposer du projet d’arrêté précisant, en particulier, les formules paramétriques retenues, pour évaluer l’impact sur le niveau des prix et la concurrence de l’introduction d’un revenu au titre des investissements réalisés par les sociétés pétrolières dans la rémunération des grossistes (PAG) de même que l’introduction d’un revenu forfaitaire au titre de l’exploitation dans la rémunération des grossistes et des distributeurs (PAG et PAD).
S’agissant plus particulièrement de l’introduction d’un revenu au titre des investissements réalisés par les sociétés pétrolières, l’Autorité n’a pas d’opposition de principe dès lors que la réforme intervient « à niveau de revenu constant » comme l’a indiqué en séance le commissaire du gouvernement. Elle considère en revanche que les sociétés pétrolières n’ayant pas réalisé jusqu’à présent les investissements imposés par la règlementation doivent être sanctionnées par les autorités compétentes conformément à la règlementation en vigueur (recommandation n° 2).
Enfin, à plus long terme, l’Autorité considère qu’il serait pertinent de s’interroger sur le principe même de la fixation d’un prix maximum de vente en gros et au détail des carburants en Nouvelle-Calédonie dans le cadre d’une étude sectorielle plus approfondie que le présent avis, permettant d’apprécier le fonctionnement concurrentiel ou non des marchés de l’approvisionnement et de la distribution de carburants en Nouvelle-Calédonie, et évaluer les moyens de renforcer la concurrence par les prix au bénéfice des consommateurs (recommandation n° 4).