La présente note économique aborde les risques économiques engendrés par la réglementation des prix et des marges, tout en indiquant dans quels cas celle-ci peut s’opérer au mieux.
La réglementation des prix est en effet un outil sensible, qui doit être utilisé avec prudence. Elle peut être nécessaire dans certains contextes spécifiques pour protéger les consommateurs et maintenir un marché équitable, mais elle présente des risques de distorsions du marché et de réduction de la concurrence.
La Nouvelle-Calédonie a connu divers niveaux de réglementation des prix au fil du temps, souvent en réponse à la volonté politique de lutter contre la « vie chère ». Depuis 2004, l'article Lp. 410-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie pose le principe de libre détermination des prix par la concurrence, tout en permettant des dérogations spécifiques. Cet empilement de dispositifs dérogatoires a rendu la réglementation complexe et instable, affectant la clarté et l'efficacité des politiques de prix. Aujourd’hui, 450 produits de première nécessité (PPN) ou de grande consommation (PGC) ont des prix réglementés et 60 autres PGC font l’objet d’accords interprofessionnels dans le cadre du dispositif « Bouclier Qualité prix ».
Il a ainsi pu être constaté que la réglementation des prix a été un outil inefficace pour lutter contre les problématiques de « vie chère », en raison de facteurs exogènes structurels (éloignement, insularité, taille réduite des marchés, coût de production élevé…) et de facteurs endogènes (protection de la production locale, droits de douanes élevés, restrictions quantitatives et tarifaires à l’importation, taxes diverses…). Malgré la réglementation des prix, les écarts de prix avec la Métropole restent élevés, particulièrement pour les produits alimentaires, qui sont 78 % plus chers en Nouvelle-Calédonie. De plus, certains secteurs non réglementés ont vu des baisses de prix, indiquant que la réglementation des prix n'est pas une solution efficace pour réduire la vie chère.
Par ailleurs, la réglementation des prix, et particulièrement du juste prix, est d’une extrême complexité. Les pouvoirs publics peuvent mal évaluer le caractère excessif d'un prix, aboutissant à des interventions injustifiées. Des biais méthodologiques peuvent ainsi survenir, conduisant à une réglementation des prix mal calibrée qui perturbe le marché. En effet, le prix peut être fixé à un niveau trop faible entrainant des situations de pénuries (l’entreprise n’est plus incitée à acheter et vendre), de réduction de la qualité des produits, ou des stratégies de contournement en augmentant les prix des produits non réglementés. A l’inverse, le prix peut être fixé à un niveau trop élevé conduisant à des rentes pour les entreprises, limitant la compétitivité et l’innovation.
Le recours à la réglementation des prix et des marges doit donc rester exceptionnel. Il peut être admis en période de crise ou de circonstances particulières de pénurie et de défaillances des marchés ou pour réglementer les prix des monopoles naturels ou entreprises disposant d’infrastructures essentielles (électricité, télécommunications…).
Dans ce cas, il convient de privilégier la fixation de prix plafonds plutôt que des marges plafonds. Un prix plafond est en effet moins attentatoire à la concurrence et peut être ajusté en fonction des coûts réels des opérateurs, avec un mécanisme d'indexation automatique sur les matières premières et le fret par exemple.
Pour une gestion efficace des prix et une lutte durable contre la vie chère, l'Autorité recommande une révision des approches actuelles en mettant l'accent sur la structure des marchés, sur les causes de la « vie chère », et en limitant les interventions directes sur les prix. Plutôt que de sur-réglementer les prix de détail, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a notamment le pouvoir, à travers l’article Lp. 411-3 du code de commerce, de remédier aux dysfonctionnements des marchés de gros, notamment ceux liés à l'importation, la distribution et le stockage.
Dans la continuité de la présente note économique, l’ACNC proposera prochainement une méthode objective de réglementation et régulation des prix visant à éviter les dangers présentés.